Sujet âgé : « Pourquoi regarder manger une personne âgée ? »

A l’occasion des Journées Francophones de Nutrition, Maurice Viala, gériatre au CHU de Nîmes, explique comment regarder un sujet âgé manger, permet de mieux le nourrir.

« Si le sujet âgé ne peut pas manger seul et qu’il n’a pas d’aide à sa disposition pour le faire, nous frôlons la maltraitance », affirme Maurice Viala, gériatre à Nîmes. Partant de mauvaises pratiques qu’il a observées dans plusieurs hôpitaux, il rappelle quelques principes simples et donne plusieurs conseils à mettre en place lors des repas par ceux qui les accompagne pour que manger ne devienne pas une épreuve.

Observer pour connaitre

La connaissance du sujet passe par l’observation des capacités de ces sens : oui, vue, odorat, toucher, communication.

« A un sujet malvoyant, on indique le positionnement des plats et couverts en utilisant l’image du cadran horaire. On peut aussi poser la main du sujet sur ce que l’on souhaite qu’il mange », propose-t-il. Pour communiquer avec la personne aphasique, atteinte de surdité ou qui ne peut pas parler, il recommande l’usage d’une ardoise posée sur le chariot repas ou d’images pour lui demander ce qu’il souhaite  faire, manger, boire chaud, froid,…

« Avec les personnes atteintes de démence ou confus, il s’agira en premier lieu de les rassurer et de leur laisser du temps pour manger », insiste-t-il. Une attention particulière au goût des aliments sera portée aux plats proposés aux sujets atteints d’agueusie ou d’anosmie, « quitte à ce que cela nous paraisse trop fort en goût ».

Dans les cas de difficulté de préhension (arthrose, Parkinson, arthropathie du diabétique…) ou de sensibilité des mains (canal carpien), il suggère de couper le pain, d’éplucher les fruits et de les couper, d’ouvrir les pots, de mettre le couvert dans la main, d’utiliser un verre avec pipette et des couverts adaptés, d’installer un tablier pour rester propre et que la personne pourra enlever seule.

Installé confortablement

« L’installation du sujet est primordiale : il doit être assis, le dos droit, les pieds au sol avec la tête légèrement penchée en avant », explique le gériatre. Si la personne ne peut pas quitter son lit, on ne doit pas la faire manger allongée au risque de favoriser la fausse route. Le tronc doit alors être bien droit, les membres soutenus et les pieds non relevés pour éviter la pneumopathie par reflux. Quant à l’accompagnant, il doit être à la hauteur du sujet, face à lui pour pouvoir communiquer et encourager.

Une bouche fonctionnelle

La bouche doit être propre, humide, vide et prête à l’envol du bol alimentaire. « Il faut savoir s’arrêter, prendre son temps, poser la cuillère sur la langue pour déclencher le mouvement ». Une observation drastique du temps de mastication et de déglutition est nécessaire. « En cas de troubles de la déglutition, le verre à pipette est à proscrire mais on peut tester la paille coudée ».

Adapter la texture des plats

La texture des plats doit répondre aux capacités de mastication et de déglutition du sujet et devra être réévaluée régulièrement. Concernant la température des boissons, le froid est préférable au trop chaud et toujours mieux que le tiède. Les boissons devront avoir du goût et des bulles de préférences grosses car elles ont le pouvoir de déclencher la déglutition.

Un environnement adapté

Les sujets fragiles doivent manger dans un environnement calme, sans stimulation visuelle ni auditive (pas de télévision, ni de radio). Un tapis anti-dérapant placé sur la table et des assiettes à rebord et couverts ergonomiques faciliteront leur autonomie.

Enfin, Maurice Viala alerte sur les effets secondaires des médicaments et recommande lorsque cela est possible, leur prise à la fin du repas pour éviter de couper l’appétit.

 

Pourquoi regarder manger une personne âgée. Maurice Viala. Journées Francophones de Nutrition. 28-30 nov 2018.