Connaitre les facteurs influençant l’appétit pour prévenir la dénutrition protéique

A l’occasion des Journées Francophones de Nutrition, Claire Sulmont Rossé est intervenue sur les déterminants d’un apport protéique faible chez les personnes âgées.

Claire Sulmont Rossé et son équipe se sont intéressés aux petits mangeurs de viande dans les maisons de retraite et en soins de suite et de réhabilitation.

Les données de leur étude Aupalesens, conduite en EHPAD ont permis de montrer que les sujets de plus de 65 ans ont des apports très diminués en protéines : Seuls 7 % des personnes âgées satisfont leurs besoins protéiques tandis que 37 % sont en dessous des 2/3 de leurs besoins protéiques.

Dans leur étude, 51 % des sujets étaient des petits mangeurs (66% < ratio calories/protéines < 100%) et 42 % des tout petits mangeurs (ratio calories/protéines < 66%).

« Les tout petits mangeurs étaient plus âgés que les autres mais leur état cognitif était le même que celui des autres sujets » note-t-elle. « Parmi tous les groupes d’aliments servis au déjeuner et au diner, celui des viandes et poissons était celui le moins consommé par les tout petits mangeurs. »

Comment expliquer cette faible consommation de plats à base de protéines ? 

Des facteurs liés à l’âge

« Les facteurs les plus connus sont ceux liés à l’âge comme l’altération de la régulation de la faim et de la satiété », explique Claire Sulmont Rossé.

Ils impliquent des mécanismes physiologiques comme le ralentissement de la vidange gastrique, du transit intestinal, l’élévation des niveaux d’hormones anorexigènes.

« Un autre facteur est l’altération des capacités à percevoir le goût des aliments et les odeurs », ajoute-t-elle. « Elle corrélée à une baisse d’appétit, de variété alimentaire et d’intérêt pour les activités culinaires ».

Un troisième facteur souvent cité par les personnes âgées est la baisse de l’activité physique qui, selon eux, réduirait leur faim.

 

Des facteurs liés à la trajectoire de vie

« La survenue d’une pathologie peut affecter directement l’acte alimentaire comme c’est le cas après un AVC suivi de dysphagie ou d’un cancer ou indirectement l’envie de manger comme on peut le noter chez les sujets avec des syndromes dépressifs, de la fièvre, de la douleur ou des troubles neurologiques ».

L’effet secondaire de certains médicaments (anorexie, bouche sèche, troubles digestifs, mycose) peut aussi rendre l’acte alimentaire désagréable voire douloureux.

Enfin, la prescription d’un régime est un facteur de risque de baisse d’appétit. A côté de cela, un certain nombre de ruptures sociales (retraite, difficulté financière, solitude, deuil, institution…) sont aussi des facteurs pouvant entrainer une baisse d’appétit.

 

4 déterminants spécifiques à la consommation de viande

  1. L’altération du statut dentaire : il faut au moins 21 dents bien distribuées  (en haut et en bas pour faire contact) pour mastiquer efficacement. Porter un dentier restaure en partie la mastication mais reste moins performant que la dentition naturelle.

  2. Une modification des préférences pour les produits carnés : après de 65 ans, 70% des sujets déclarent consommer moins de viande rouge et blanche qu’à 30-40 ans pour des raisons de goût (42%), de santé (26%) et d’appétit (17%).l

  3. La croyance d’un moindre besoin de viande quand on vieillit par rapport aux sujets jeunes. Ceci n’est pas lié à leurs connaissances sur les sources de protéines mais à la croyance, par près de la moitié des sujets interrogés, qu’après 70 ans, il faut manger moins de viande.  

  4. La dépendance culinaire : La délégation des courses et de la préparation des repas créé une distanciation entre la personne et son alimentation, qui a probablement des effets sur l’envie de manger. Par ailleurs, le plat principal est un enjeu important en restauration collective. Il cristallise chez le sujet âgé des attentes pour un plat « familial » (compétences culinaires, maitrise des températures…) pas toujours compatible avec une restauration « de groupe ».

 

En maison de retraite, 3 personnes sur 4 ne couvrent pas leurs besoins protidiques. Une personne sur 2 est dénutrie ou à risque de dénutrition.

Pour Claire Sulmont Rossé, il faut prévenir la dénutrition et démonter les croyances en informant les consommateurs âgés sur la dénutrition, augmenter l’appétence des plats protidiques et enrichir les plats qui sont bien consommés comme les soupes, purées de légumes et desserts, plutôt que d’augmenter la portion de viande.   

 

Les déterminants d’un apport protéique faible chez les personnes âgées. Communication de Claire Sulmont Rossé. JFN Nantes 13-15 décembre 2017 www.lesjfn.fr