Cancer : Agir sur l’alimentation pour rompre le cercle vicieux 

Plus de 50 % des malades du cancer sont dénutris. Or, la prise en charge nutritionnelle précoce du patient cancéreux est un atout essentiel pour améliorer sa qualité de vie et son pronostic.

Les problèmes de nutrition créent un cercle vicieux dans le traitement du cancer

A la cachexie cancéreuse s’ajoutent les effets secondaires des traitements anti-cancéreux (troubles olfacto-gustatives, difficultés de mastication ou de déglutition, vomissements, diarrhée…) qui peuvent avoir un retentissement sur le statut nutritionnel des sujets. Or, la détérioration du statut nutritionnel diminue la tolérance et l’efficacité des traitements, impacte leur qualité de vie et au final aggrave le pronostic.

Quelles sont les recommandations nutritionnelles des patients atteints de cancer ?

Un consensus sur la nutrition en oncologie a été publié en 2017 par la Société Européenne de Nutrition Clinique et Métabolique. Il stipule qu’aucun argument ne soutient la thèse qu’un nutriment puisse “nourrir la tumeur” et qu’il faille l’évincer du régime alimentaire d’un patient atteint de cancerintervention précoce est recommandée à travers des conseils hygiéno-diététiques chez le malade présentant une dénutrition faible à modérée.

Les besoins énergétiques du patient cancéreux sont les mêmes que ceux de l’individu bien portant (30-35 kcal/kg/j). Seules les situations plus dégradées nécessitent l’utilisation de compléments nutritionnels oraux : ceux plus riches en protéines animales que végétales, et ceux contenant des protéines rapides du lactosérum plutôt que de la caséine, notamment chez le senior. Une ingestion en première partie de journée plus favorable à l’assimilation protéique et à l’anabolisme musculaire.

Quelques conseils pour une prise en charge efficace des patients atteints de cancer

Dès le début de sa prise en charge, le patient doit être sensibilisé aux troubles susceptibles d’altérer son statut nutritionnel et qui peuvent conduire rapidement à la dénutrition, même si le sujet est en surpoids.

Si le patient est convaincu que les mesures proposées amélioreront son bien-être, il entrera dans une dynamique d’acceptation et suivra les conseils formulés. Le meilleur témoin est le maintien du poids ou tout au moins l’arrêt de la perte de poids déjà enclenchée par la cachexie cancéreuse.

Aux patients disposant d’une fonction digestive non altérée, il convient de conseiller une alimentation variée, hyperprotéique (20% de l’apport énergétique total) et hypercalorique avec plus de 40 % de lipides totaux (dont oméga-3) et 40 % de glucides dont 10 % de sucres simples. L’alimentation sera fractionnée et adaptée aux modifications sensorielles.

Aux patients avec altération de la sphère oropharyngée, il est nécessaire de modifier la texture des aliments pour éviter la fausse route et limiter le contact avec les zones buccales douloureuses, en s’assurant que la densité calorique de l’aliment modifié ne sera pas diminuée. Pour réduire la sécheresse buccale, boire régulièrement des petites gorgées d’eau citronnée et éviter les aliments secs.

En cas de perte d’appétit, conserver trois petits repas enrichis en protéines et calories, introduire des collations, soigner la présentation des plats.

En cas de fatigue, privilégier une préparation rapide des repas, des petites portions, des fruits riches en vitamine C, le sucré.

Dans le cas de troubles olfactifs, insister sur la couleur, la présentation, les textures, le contexte, optimiser l’assaisonnement, privilégier les aliments forts en goût, rissolés ou servis chauds.

En cas de troubles gustatifs (dégoût), se rincer la bouche avant chaque repas, favoriser les aliments avec peu de saveur, les cuissons douces (vapeur), privilégier les volailles, poisson, œufs, laitages. Eviter les saveurs amères (chocolat, café) ou métalliques (viande rouge).

En cas de nausées et/ou vomissements, privilégier les moments de la journée où ils sont moins marqués pour cuisiner et manger, fractionner les repas, privilégier les aliments froids, sans odeur, ni trop gras, ni trop acides ou sucrés.

 

La prise en charge précoce des effets secondaires en oncologie par une alimentation dédiée. Philippe POUILLART, Caroline BATTU. Actualités pharmaceutiques n° 576 mai 2018. http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2018.03.011