Agression métabolique : attention à la sarcopénie secondaire

« La sarcopénie peut survenir avant et après une situation d’agression métabolique. Entre les deux, l’orage métabolique compromet l’intégrité du muscle », débute Yves Boirie, à l’occasion de son intervention aux Journées Francophones de Nutrition de Nice.

Le muscle nourrit le corps agressé

« En 1942, des chercheurs pionniers nous ont appris que le muscle est une victime importante au cours de l’agression métabolique puisqu’on voit qu’il sert de source interne de protéines pour nourrir l’organisme ». Même les alimentations riches en protéines de bonne qualité n’arrivent pas à contrecarrer sa dégradation.

La perte musculaire est rapide et intense

En phase d’agression métabolique (stress, maladie aigüe, effort, facteur iatrogène), la perte musculaire est rapide. « En 10 jours, elle peut aller de 3 à 4 kg de muscle perdus », précise le chercheur. Elle est associée à une nécrose des myofribrilles du muscle avec une infiltration de macrophages qui signe l’inflammation.

 Des séquelles fonctionnelles tardives témoignent d’une sarcopénie secondaire

Dans les mois qui suivent cette agression, la fonction musculaire est encore altérée et la récupération n’atteint que 66 % à 1 an. Et à 5 ans, le test de marche de 6 min est encore altéré chez 30 % des sujets et le score de qualité de vie est bas. Une sarcopénie secondaire (liée à la nutrition, l’immobilité ou la maladie) se développe alors.

La sarcopénie préalable à l’agression est un facteur de risque de mortalité

La sarcopénie (primaire) doit être évaluée dès l’hospitalisation. Un consensus européen a proposé un algorithme de dépistage (EWGSOP2) : le questionnaire SARC-F pour évaluer la capacité physique ou s’il y a chutes à répétition, puis la mesure de la force musculaire, confirmée par une mesure de la quantité musculaire (DEXA, scanner, impédancemétrie) et on peut évaluer la sévérité de cette sarcopénie par des tests (vitesse de marche,  up and go…). L’évaluation de cette sarcopénie est importante car elle est un facteur de risque de mortalité suite à l’agression.

Le métabolisme protéique résiste à la nutrition

La résistance du métabolisme protéique est liée à une accélération du catabolisme des protéines dans le muscle parallèle à une synthèse protéique réduite. Mais, après un certain nombre de jours une levée de cette résistance se produit, laissant entrevoir une fenêtre d’opportunité pour agir via la nutrition.  

Les stratégies nutritionnelles potentielles

A qui ?

Les femmes sont plus à risque de sarcopénie secondaire. Les sujets les plus vulnérables sont aussi ceux les plus âgés, ceux avec une dénutrition ou une sarcopénie liée à l’âge préalable, avec une réponse inflammatoire sévère, une immobilisation/inactivité, une insuffisance multi-organe ou encore sous corticostéroïdes ou agents-bloquants neuromusculaires.

Combien ?

Entre 1,2 et 1,5 g de protéines/kg de poids corporel sont nécessaires.

Quand et comment donner des protéines ?

Il faut viser un objectif protéique élevé au 3ème jour chez les patients agressés car on pourrait encore stimuler le muscle avec les protéines et elles seraient encore facilement absorbées, selon plusieurs études. Mais le débat est encore ouvert sur le sujet car d’autres études indiquent des effets adverses (augmentation de l’oxydation des acides aminés et de la production d’urée). Enfin, quelques études rapportent que les lipides alimentaires pourraient, en induisant une insulino-résistance, perturber la synthèse de protéines musculaires. Mais il est encore trop tôt pour recommander d’en limiter l’apport.

 

Sarcopénie et résistance anabolique protéique. Yves Boirie JFN Nice 28-30 novembre 2018