Témoignage d'un EHPAD sur l'enrichissement protéino-énergétique des repas

Témoignage de l’EHPAD de Casseneuil (47)

 

Dans cet EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) de 91 résidents qui gère également une offre de portage à domicile la valeur du « prendre soin » constitue le moteur principal des actions des professionnels. Ces valeurs font partie intégrantes du projet d’établissement de l’EHPAD. Mme Lozach, cadre de santé, Mme Planche, infirmière et M Gonnard, chef de cuisine, nous parlent de leur démarche d’enrichissement visant à augmenter la densité protéino-énergétique des repas pour prévenir et prendre en charge la dénutrition qui touche aujourd’hui près de 38% des résidents âgés en EHPAD.

Plus qu’un protocole en réponse à des besoins nutritionnels spécifiques, l’enrichissement correspond pour ces professionnels de santé et de l’hôtellerie à une façon de considérer chaque résident comme un individu à part entière en adaptant les repas à ses besoins, ses difficultés et surtout ses goûts. La dimension d’individualisation représente un des piliers de la démarche qualité de l’EHPAD et trouve ici un levier de satisfaction non négligeable.

L’enrichissement à l’EHPAD de Casseneuil

« En tant que professionnel du grand âge il est nécessaire de s’inquiéter de la nutrition de nos résidents » introduit Mme Lozach, cadre de santé de l’EHPAD. L’enjeu est bien entendu de prendre en compte les recommandations mais surtout de les transposer à un lieu de vie où il faut comprendre les besoins de chacun et s’y adapter. La démarche d’enrichissement constitue alors pour Mme Planche, infirmière, la réponse à ce besoin de personnalisation : «  nous avons mis en place une organisation flexible où l’enjeu est d’adapter jour après jour l’offre alimentaire. Selon les besoins du patient nous pouvons réagir en adaptant le menu ».  Dans cette optique les soignants assurent l’observance de la prise en charge : « les repas sont consommés et les besoins nutritionnels sont donc couverts ».

Deux types de stratégies sont mises en œuvre à l’EHPAD de Casseneuil dans l’objectif de lutter contre la dénutrition :

  • L’enrichissement dit culinaire où la restauration à la demande des soignants propose des repas enrichis en protéines et/ou en énergie sur mesure selon les préférences et les besoins des résidents.
  • L’enrichissement dit diététique où les soignants enrichissent au chevet des patients les repas salés (soupes, purées,…) grâce à des poudres de protéines (Protipulse®). Pour les besoins accrues en protéines et en énergie l’équipe fait appel à des compléments nutritionnels oraux (boissons, crèmes ou compotes enrichies).   

Les clés de la réussite de l’enrichissement en cuisine

« Il faut être pragmatique, dimensionner les dispositifs » précise M Gonnard chef de cuisine. « La clé de la réussite réside dans la simplification. Nous sommes des hôteliers et notre mission est de prendre en compte les besoins et les envies de nos convives afin d’apporter du plaisir ». Donc pas de fiches recettes établies au préalable mais des « schémas » (telle quantité d’ingrédient pour tel enrichissement) à adapter selon les profils des résidents et le menu du jour. Pas question non plus d’augmenter le coût de la prestation : «  nous gardons un coût journalier équivalent aux autres établissements tout en faisant un choix fort et institutionnel des produits frais et de la production maison ».

M Gonnard précise qu’un travail pluridisciplinaire est indispensable : « nous communiquons avec les soignants mais également avec les résidents et les familles pour mieux cibler les attentes et les besoins». Chaque jour un brief est organisé entre le personnel soignant et la cuisine pour traduire les besoins nutritionnels en offres de repas. M Gonnard propose chaque jour 2 à 3 repas spécifiques pour des résidents à risque de dénutrition. Les mêmes dispositifs peuvent également être transposés au portage à domicile qui constitue le nouveau fer de lance de l’équipe de restauration : «  nous souhaitons ouvrir le portage à la grande dépendance à domicile ». 

Identifier les risques de dénutrition pour agir au plus tôt

L’EHPAD de Casseneuil utilise les outils classiques du repérage et du diagnostic de la dénutrition (perte de poids, évaluations biologiques et anthropométriques). Sous la supervision du médecin coordinateur les diagnostics de dénutrition et les actions correctives sont mises en place.

« Nous avons voulu aller au-delà de ces outils en mettant en place une surveillance clinique systématique » précise cependant Mme Lozach. « Il n’est pas question d’attendre qu’un patient se dénutrisse pour agir ». Aussi les soignants sont attentifs aux consommations (suivi alimentaire) et au poids des résidents. Ils peuvent alors décider ensemble suivant leurs observations d’agir en prévention en enrichissant les repas (en cuisine ou au chevet des patients).

« Nous connaissons nos résidents et nous sommes en vigilance permanente ». Ainsi les résidents sont pris en charge en amont évitant qu’ils ne tombent dans la spirale de la dénutrition pouvant avoir des conséquences importantes sur leur état de santé et leur bien-être.  

L’enrichissement : une démarche qui porte ses fruits

Après plusieurs mois de mise en place grâce à l’impulsion donnée par la direction, le personnel soignant est heureux de constater que la démarche qu’ils ont mise en place est bénéfique pour les patients. Aujourd’hui seulement 6 à 7 résidents sont suivis pour une dénutrition soit moins de 7% des patients ; preuve que les actions préventives mises en place ont été efficaces. Les résultats de cette démarche se voient également dans l’état de santé des résidents. « Aucun de nos résidents ne souffrent d’escarres » précise Mme Planche « grâce notamment à notre démarche d’enrichissement nous avons une approche davantage centrée sur la prévention ».  

Cette approche centrée sur la prévention permet également de consommer moins de produits pour la prise en charge (comme des compléments nutritionnels oraux) pour investir davantage dans des solutions de prévention axées sur la qualité de vie des résidents.