La prévalence de la dysphagie est sous-estimée chez les personnes souffrant de déficiences mentales

Une analyse de la littérature sur la prévalence de la dysphagie chez les personnes souffrant de déficiences mentales conclut que la dysphagie est clairement sous-diagnostiquée

L’association entre la dysphagie, ses complications de santé et le risque de mortalité semble plus prononcée chez les personnes souffrant d’une déficience mentale. La dysphagie chez ces personnes est aussi compliquée par les co-morbidités médicales, psychiatriques, et de comportement. Jusqu’à aujourd’hui, de rares études se sont intéressées à la prévalence de cette pathologie dans cette catégorie de population. Pourtant, une estimation précise pourrait permettre de sensibiliser ces personnes et leur entourage à ce problème de santé. Dans une récente revue, des chercheurs anglais alertent sur la sous-estimation de la dysphagie. Leurs données ont été publiées dans le dernier numéro d’Intellectual and Developmental Disabilities.

Une prévalence très variable selon les études

Pour réaliser ce travail, 20 études publiées entre 1990 et 2016 et répondant à leurs critères de sélection ont été analysées : 8 études réalisées aux Etats-Unis, 4 études aux Pays-Bas, 3 études en Angleterre, une étude en Belgique/Pays-Bas, 1 étude en Irlande, 1 en Israël, 1 au Japon et 1 en Espagne.

La prévalence de la dysphagie varie considérablement, allant de 1 % des adultes avec déficience intellectuelle sans paralysie cérébrale à 99 % des enfants avec déficience intellectuelle et paralysie cérébrale sévère. Deux études ont été réalisées sur des populations avec déficience intellectuelle représentatives de cette catégorie de population. La première évalue à 11.5 % la prévalence de la dysphagie tandis que la seconde l’évalue à 8.1%. 94 % des sujets présentaient une dysphagie au stade oral, 51.5 % au stade pharyngé, 25.7 % au stade œsophagien et 58.4 % avec plus d’un stade affecté.

Des estimations plus importantes étaient rapportées par des études non basées sur des populations générales de déficients intellectuels : 52.1 % chez des sujets de plus de 50 ans, 69.7 % chez des adultes et enfants.

Trois facteurs associés à la dysphagie

Si les estimations de prévalence diffèrent d’une étude à l’autre, c’est en raison de l’absence de prise en compte d’au moins trois facteurs essentiels de variation :

– La prévalence de la dysphagie chez les personnes ayant une déficience intellectuelle augmente avec la sévérité de la déficience mentale, avec des chiffres doublés chez les sujets avec déficience profonde par rapport à ceux avec déficience légère.

– La prévalence de la dysphagie est aussi clairement augmentée avec la présence d’une paralysie cérébrale. Sa prévalence, dans certaines études, augmente d’un facteur 8 lorsqu’il y a paralysie.

– Une étude japonaise chez des sujets déficients intellectuels et moteurs suggère une association entre la prévalence de la dysphagie et la fréquence des crises épileptiques.  

Les données concernant l’âge sont rares, mais semble suggérer une plus forte prévalence de dysphagie chez les sujets de 46-60 ans et de plus de 60 ans comparée aux sujets de 16 à 45 ans.

Une dysphagie trop sous-estimée

Les chercheurs concluent de leur analyse bibliographique que la dysphagie est fréquente et bien souvent sous-estimée chez les sujets souffrant d’une déficience intellectuelle. L’amélioration de la reconnaissance et de la prise en charge de la dysphagie pourraient pourtant réduire la survenue de problèmes de santé et diminuer les hospitalisations ainsi que les décès prématurés. Ils reconnaissent cependant que des recherches sur des échantillons représentatifs utilisant des méthodes d’évaluation adéquates sont encore nécessaires pour fournir des estimations de prévalence plus précises et de clarifier, dans cette population, les facteurs pouvant être associés à la dysphagie.

 

Prevalence of Dysphagia in People With Intellectual Disability: A Systematic Review. Robertson J, Chadwick D, Baines S, Emerson E, Hatton C. Intellect Dev Disabil. 2017 Dec;55(6):377-391. doi: 10.1352/1934-9556-55.6.377. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29194030