Dénutrition et cancer 

Le cancer n’affecte pas uniquement un organe ou un système : il bouleverse l’ensemble du corps, du métabolisme… et de la vie. Derrière les traitements lourds et les protocoles médicaux complexes se cache souvent une menace silencieuse mais redoutable : la dénutrition.

Souvent sous-estimée, parfois ignorée, la dénutrition concerne pourtant 40 % des personnes atteintes de cancers, tous types confondus.
Elle affaiblit le corps, impacte le moral, compromet l’efficacité des traitements oncologiques et aggrave le pronostic global. Cette réalité doit nous alerter : lutter contre le cancer, c’est aussi préserver l’état nutritionnel des patients.

La dénutrition n’est pas à négliger. Elle peut perturber les traitements, augmenter le risque de récidive ou de seconds cancers, ainsi que le risque de mortalité.
Ses effets vont au-delà des conséquences physiologiques immédiates : elle fragilise l’immunité, rendant le patient plus vulnérable aux infections et aux escarres.

Mais la dénutrition a également des répercussions invisibles. Une personne atteinte d’un cancer et dénutrie se retrouve souvent dans un état de grande fatigue, contraignant à de longs temps de repos. L’isolement s’installe, la vulnérabilité augmente, et l’impact psychologique devient marqué, pouvant aller jusqu’à un état dépressif.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable d’être vigilant, et de prévenir la dénutrition dès le début du parcours de soin, en analysant régulièrement l’état nutritionnel de la personne malade.

Prévenir la dénutrition et la diagnostiquer

Pour prévenir la dénutrition, il est essentiel d’évaluer régulièrement l’état nutritionnel des patients. Cela passe par plusieurs étapes :

  • Analyser la prise alimentaire, aussi appelée ingesta. Une diminution des apports est souvent l’un des premiers signaux d’alerte.
  • Surveiller les indicateurs de dénutrition, notamment par des pesées régulières et le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC). Un IMC inférieur à 18,5 kg/m² chez l’adulte, ou à 22 kg/m² chez la personne âgée, peut indiquer un risque de dénutrition. Il est important de noter qu’un IMC élevé n’exclut pas ce risque : une personne en surpoids ou obèse peut également être dénutrie.
  • Observer les variations de poids dans le temps. Chez une personne atteinte de cancer, on parle de dénutrition si la perte de poids est supérieure ou égale à 5 % en un mois, ou à 10 % en six mois. Une perte de poids supérieure ou égale à 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie constitue également un critère de dénutrition.

Dénutrition et cancer : quelle prises en charges ?

Il est important de comprendre que la dénutrition n’est pas une conséquence directe du cancer. Les traitements oncologiques ne permettent pas de la traiter, et peuvent même l’aggraver.

En effet, la dénutrition augmente la toxicité des traitements, notamment en fragilisant le système immunitaire.

Identifier les causes de la dénutrition pour mieux agir

La première étape consiste à identifier les causes de la dénutrition. Celles-ci sont généralement liées à deux mécanismes principaux :

  • Une fonte musculaire et une perte de masse grasse, provoquées par les cellules cancéreuses qui détournent les ressources énergétiques de l’organisme.
  • Une diminution de la prise alimentaire, liée à plusieurs facteurs :
    nausées, perte d’appétit évoluant vers une anorexie, lenteur à s’alimenter en raison de la fatigue, somnolence, difficultés à manipuler les couverts. Certains traitements, comme la chimiothérapie, provoquent également une altération du goût et de l’odorat (souvent un goût métallique désagréable), ce qui complique davantage l’alimentation.

Une fois les causes identifiées, il est essentiel de mettre en place une prise en charge nutritionnelle adaptée et évolutive, tenant compte de l’état clinique, des préférences et des capacités du patient.

Mettre en place un accompagnement nutritionnel personnalisé

Un accompagnement nutritionnel efficace doit être adapté aux capacités, aux envies et à l’évolution de l’état de santé du patient.

Fractionner les repas
Manger de petites quantités à intervalles réguliers permet de faciliter les prises alimentaires. Par exemple : 3 repas principaux et 3 collations. Ce rythme doit être ajusté en fonction des capacités du patient.

Enrichir les repas
L’ajout d’aliments comme le beurre, la crème ou le fromage permet d’augmenter les apports sans augmenter les volumes. Un velouté de légumes peut devenir plus appétissant et nourrissant avec un peu de crème et de beurre.

Ne pas oublier le plaisir
L’appétit passe par l’envie. Il est essentiel d’écouter les désirs alimentaires du patient et, dans la mesure du possible, de les intégrer à l’alimentation quotidienne.

Adapter les textures
En cas de difficulté à mâcher ou à avaler, la texture des aliments peut être modifiée sur recommandation médicale. Une attention particulière au goût et à la présentation est importante, notamment pour les textures hachées ou mixées.

Utiliser les Compléments Nutritionnels Oraux (CNO)
Les CNO ne remplacent pas les repas. Ils complètent une alimentation de base, et doivent être intégrés de façon raisonnable : deux à trois CNO par jour suffisent, avec une attention portée à la variété.

Envisager la nutrition artificielle
Lorsque les apports oraux sont insuffisants ou impossibles, une nutrition artificielle peut être mise en place à l’hôpital et, si besoin, poursuivie à domicile avec un suivi adapté.

Maintenir une activité physique adaptée
Stimuler la masse musculaire est aussi important que l’enrichissement des repas. L’activité physique, même douce, aide à ouvrir l’appétit et doit être adaptée à l’état du patient.

Prêter attention à l’hygiène bucco-dentaire
Des douleurs ou altérations du goût peuvent limiter l’alimentation. Un suivi régulier de l’état buccal est essentiel pour préserver le plaisir de manger.

Auteur : Héloise Badaire, diététicienne nutritionniste

Effets secondaires Cancer : comment gérer son alimentation ?

Pendant un traitement oncologique, des effets secondaires peuvent avoir des répercussions sur votre état général.

Il est très important de noter que chaque individu est unique et 2 personnes peuvent ne pas réagir de la même façon. C’est pourquoi il faut écouter son corps et personnaliser le plus possible sa prise en charge. Si certains conseils conviennent pour certains patients, ils peuvent à l’inverse ne pas vous convenir.  

Adapter son alimentation en fonction de ses ressentis et de ses besoins

Ce qui compte avant tout, c’est de préserver le plaisir de manger. Si vous n’avez pas faim, n’attendez pas que l’appétit revienne pour vous mettre à table. Essayez de consommer ce qui vous fait envie, même en dehors des heures habituelles (par exemple, un morceau de fromage à 15h). Écoutez vos envies : elles peuvent être un bon point de départ pour maintenir une alimentation suffisante.

Si vous ressentez une satiété précoce, fractionnez vos repas : mangez en petites quantités, plusieurs fois par jour, à des horaires qui vous conviennent le mieux. Il n’y a pas de règles fixes : l’important, c’est que cela vous convienne.

En cas de petit appétit, privilégiez des aliments à haute densité énergétique et riches en protéines : viandes, poissons, œufs, produits laitiers… Ces aliments permettent de limiter les risques de dénutrition même en petites portions.

Si les portions vous semblent décourageantes, préférez des assiettes avec de petites quantités. Un plat trop copieux peut couper l’envie de manger.

Astuces pour enrichir et adapter les repas au quotidien

Pensez à enrichir l’alimentation avec de la poudre de lait, ou en ajoutant des œufs dans les préparations telles que les purées ou les quiches. Si l’alimentation est insuffisante, il est possible d’utiliser des poudres de protéines, présentes en pharmacie. Demandez conseils à votre médecin, diététicien ou pharmacien.

Certains aliments ont des odeurs particulièrement fortes, pouvant provoquer des aversions inexpliquées : comme le poisson, certains fromages ou le café. Dans ce cas, il vaut mieux les éviter. Ce qui est important c’est de ne pas supprimer tout un groupe d’aliments comme les aliments riches en protéines (comme les produits laitiers, viandes, poissons). Si vous ne pouvez pas les ingérer, il faut trouver des équivalences ou utiliser les solutions d’enrichissement disponibles en pharmacie.

Si vous trouvez que tous les plats ont le même goût et que vous les trouvez fades, pensez à ajouter épices et aromates. Si au contraire, vous trouvez que les plats ont un goût trop fort, évitez les condiments ou certaines huiles végétales comme l’huile de colza.

Trouvez la juste association de couleurs ! Un plat trop neutre ou trop coloré peut influencer l’appétit.

Préférez les plats à température ambiante ou froids, si cela vous convient. Certains traitements peuvent toutefois être incompatibles avec les aliments froids, renseignez-vous. Ils peuvent aussi modifier le transit intestinal. Si votre microbiote intestinal est perturbé, demandez conseil à votre diététicien(ne) : il existe des solutions pour soutenir la flore pendant et après le traitement.

Auteur : Maria Helena LADOUX MARTINEZ, diététicienne nutritionniste

*Source : Lutte contre la dénutrition