Odynophagie : Quand avaler devient douloureux
Qu’est-ce que l’Odynophagie ?
Alors que la dysphagie se caractérise par une gêne ou une difficulté à avaler certains aliments et boissons, l’odynophagie est le terme médical pour signifier une douleur lors de la déglutition. Cette douleur peut se manifester lors de l’ingestion de liquides, y compris la salive, ainsi que d’aliments solides. L’odynophagie n’est pas une pathologie en tant que telle, mais plutôt un symptôme qui peut être transitoire (en cas d’angine par exemple) ou chronique (une tumeur peut alors en être la cause). Comme pour la dysphagie (qui peut être oropharyngée ou œsophagienne), l’odynophagie peut résulter d’une douleur localisée au niveau de la gorge, de l’œsophage ou des structures environnantes.
À noter que l’odynophagie peut tout à fait se présenter en même temps que la dysphagie, car les causes de la dysphagie peuvent aussi provoquer une douleur lors de la déglutition.
Odynophagie : Quelles causes pour ces douleurs lors de la déglutition ?
La douleur lors de la déglutition est due à une inflammation de la muqueuse gastro-intestinale qui s’étend de la bouche à l’œsophage distal. Les causes possibles de cette inflammation peuvent être très variées (cf. figure 1) : infectieuses, tumorales, traumatiques, etc. L’odynophagie peut aussi être consécutive à une irritation locale.

Parmi les causes infectieuses courantes, on peut citer les suivantes :
– la pharyngite est une cause fréquente d’infection provoquant un mal de gorge et une odynophagie. Elle peut être consécutive à une infection virale (e.g. grippe) ou bactérienne (e.g. streptocoque du groupe A) ;
– l’angine, qui correspond à une infection au niveau des amygdales, peut s’étendre à l’ensemble du pharynx. Cette affection est particulièrement fréquente chez l’enfant et est d’origine virale dans environ 80 % des cas. Lorsque l’angine est bactérienne, elle est généralement due au streptocoque du groupe A ;
– la candidose buccale ou œsophagienne est courante chez les patients immunodéprimés, notamment ceux atteints de VIH non traités par une thérapie antirétrovirale hautement active (HAART). Parmi les symptômes de cette infection fongique (le plus souvent liée à Candida albicans), le plus courant est une odynophagie, qui peut être associée à une dysphagie (difficulté à avaler un aliment solide ou liquide) ;
– l’œsophagite à cytomégalovirus (CMV) survient chez les patients immunodéprimés, comme après une transplantation, lors d’une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou du syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), et sous corticothérapie. Les symptômes de l’œsophagite à CMV peuvent inclure, en plus de l’odynophagie, des nausées, vomissements, douleurs abdominales, une dysphagie, perte de poids et douleur thoracique rétrosternale ;
– L’œsophagite herpétique est le plus souvent diagnostiquée chez des patients immunodéprimés, mais peut l’être aussi chez les patients immunocompétents.
– L’odynophagie est aussi un symptôme rapporté dans plusieurs études examinant les impacts d’une infection à la Covid-19, en particulier en cas de Covid long.
D’autres causes peuvent engendrer une inflammation et une odynophagie :
– dans le cas de reflux gastro-œsophagien (RGO), l’acidité gastrique remonte dans l’œsophage en raison d’un dysfonctionnement du sphincter inférieur, ce qui peut provoquer une œsophagite douloureuse, accompagnée d’autres symptômes (douleurs thoraciques ou encore brûlures d’estomac) ;
– un cancer (de la bouche, de la langue, du pharynx, du larynx, ou encore de l’œsophage) peut provoquer une odynophagie chronique pour plusieurs raisons, principalement liées aux effets directs et indirects de la tumeur sur les structures impliquées dans la déglutition :
- une atteinte des tissus locaux (inflammation, irritation ou ulcération),
- une compression mécanique (réduction de l’espace disponible pour le passage des aliments ou compression des nerfs),
- une réaction inflammatoire systémique : les cancers peuvent stimuler la production de cytokines pro-inflammatoires, contribuant à la douleur locale et à l’hypersensibilité des tissus environnants,
- des effets secondaires des traitements (radiothérapie ou chimiothérapie).
– Un traumatisme local de l’œsophage peut résulter d’investigations diagnostiques (comme une endoscopie), de l’ingestion d’aliments ou de boissons trop chauds ou encore de substances caustiques. Ces traumatismes peuvent causer une irritation de la muqueuse et une fibrose secondaire, conduisant non seulement à une odynophagie, mais aussi à une dysphagie.
Comment se manifeste l’odynophagie et quels sont les symptômes associés ?
Les symptômes associés à l’odynophagie dépendent de la maladie sous-jacente. Il s’agit le plus souvent d’autres symptômes localisés au niveau de la gorge ou de l’œsophage, tels qu’une dysphagie, une sensation de gorge sèche, des rougeurs ou un gonflement des amygdales en cas d’infection locale comme l’angine, des plaques blanches en cas de candidose oropharyngée ou, plus rarement des saignements en cas d’ulcère sévère ou de cancer. En cas de reflux gastro-œsophagien, l’odynophagie peut s’accompagner de brûlures d’estomac ou de régurgitations acides.
L’odynophagie peut être aussi associée à des symptômes généraux d’infection (tels que de la fièvre, une fatigue ou des frissons) ainsi qu’à des symptômes respiratoires : toux, enrouement et parfois difficulté à respirer (dyspnée) dans des cas graves d’infection ou de compression des voies respiratoires.
Parmi les autres symptômes associés à l’odynophagie, on peut citer la possibilité d’observer une perte de poids en cas de cancer ou de problème chronique.
Comment diagnostiquer la cause de l’odynophagie ?
Le diagnostic de la cause de la déglutition douloureuse repose dans un premier temps sur un entretien réalisé par un professionnel de santé visant à caractériser la douleur ressentie : localisation exacte, intensité et type de douleur, déclencheurs (aliments solides, liquides ou salive), évolution de la douleur. Cette anamnèse vise aussi à permettre au médecin de recueillir des informations sur les éventuels symptômes associés (dysphagie, fièvre, enrouement, perte de poids) ainsi que les facteurs de risque ou antécédents (infections récentes, tabagisme ou encore prise de médicaments).
Un examen physique avec inspection directe de la gorge, palpation cervicale et examen de l’appareil respiratoire et de l’appareil digestif vient compléter cet entretien.
Des examens complémentaires peuvent s’avérer nécessaires (endoscopie digestive haute, tests microbiologiques ou encore IRM), dans l’objectif d’exclure ou de confirmer les pathologies suspectées : infection virale, bactérienne, fongique, RGO, pathologie tumorale, etc.
Quel traitement pour la prise en charge de l’odynophagie ?
Que faire en cas d’odynophagie ? Le traitement de l’odynophagie dépend de la cause de la douleur, préalablement diagnostiquée en médecine générale ou par un spécialiste : prise en charge de l’infection, de l’irritation, du cancer ou de toute autre maladie sous-jacente.
Des mesures générales peuvent également être prises pour soulager la douleur ressentie lors de la déglutition et pour favoriser une hydratation et une nutrition adaptées. Une alimentation plutôt molle ou liquide peut, dans certains cas, être conseillée pour éviter les irritations supplémentaires. L’arrêt de la consommation d’alcool et de tabac peut également être pertinent pour réduire les irritations de la gorge et de l’œsophage.
Enfin, pour favoriser une bonne santé bucco-dentaire, une bonne hygiène d’avère indispensable : elle contribue à diminuer fortement les risques d’angine bactérienne et de cancer de la bouche.
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