Les bases de la candidose œsophagienne
Candidose œsophagienne : définition
Candida est un genre de champignon (plus précisément une levure) naturellement présent dans les muqueuses buccale, vaginale et digestive. Chez les personnes en bonne santé, ces levures ne sont pas pathogènes. En revanche, dans certaines conditions, elles peuvent proliférer de manière excessive et provoquer des infections localisées ou généralisées : les candidoses. Plus de 15 espèces du genre Candida peuvent être pathogènes, mais l’agent le plus fréquemment responsable d’infection est de loin Candida albicans. Parmi les autres espèces de Candida, on peut également citer Candida glabrata, Candida parapsilosis ou encore Candida tropicalis.
La candidose de l’œsophage (encore appelée candidose œsophagienne ou œsophagite candidosique) est donc une mycose affectant la muqueuse de l’œsophage. Il s’agit de l’une des maladies infectieuses opportunistes les plus fréquentes chez les patients infectés par le VIH.
À noter qu’il existe de nombreuses autres formes de candidose : candidose buccale, génitale ou encore cutanée.
Candidose œsophagienne : exploration des causes
La candidose œsophagienne survient généralement chez des personnes dont le système immunitaire est affaibli ou altéré. Environ 10 % des patients atteints du VIH développent une candidose œsophagienne au cours de leur vie. Cependant, cette proportion a tendance à diminuer grâce à l’efficacité des thérapies antirétrovirales hautement actives. À l’inverse, une augmentation des cas chez les patients non-VIH est observée, liée à des comorbidités telles que le diabète, les ulcères gastriques, ou l’utilisation de médicaments comme les antibiotiques et les corticoïdes, souvent prescrits après une greffe d’organe.
Dans le cas d’un diabète non contrôlé, le risque augmente particulièrement, en raison de la persistance de l’hyperglycémie associée à une dysfonction des granulocytes et par conséquent à une diminution de l’immunité cellulaire.
D’autres conditions, comme l’achalasie cardiale (trouble moteur de l’œsophage), peuvent favoriser une stagnation des aliments et des sécrétions, conduisant à une prolifération de Candida albicans.
L’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons (médicaments utilisés pour réduire la sécrétion acide gastrique, indiqués dans la prise en charge du reflux gastro-œsophagien et des ulcères gastro-duodénaux), très répandue chez les personnes en bonne immunité, constitue également une cause majeure de candidose œsophagienne.
Certaines études suggèrent que le tabagisme serait également associé au développement de la candidose œsophagienne en raison de l’affaiblissement de l’immunité locale au niveau de l’épithélium de l’œsophage, lié à la présence de substances chimiques.
Les symptômes de la candidose œsophagienne
Les symptômes les plus fréquemment observés chez les patients qui souffrent d’une candidose œsophagienne sont une odynophagie (douleur au moment de la déglutition), qui peut être associée à une dysphagie (difficulté à avaler).
Les personnes atteintes de candidose œsophagienne peuvent également ressentir des douleurs rétro-sternales (sensation de brûlure, aussi appelée pyrosis) ou des douleurs abdominales.
D’autres symptômes associés peuvent être des nausées, des vomissements, une perte d’appétit et une perte de poids.
Parmi les complications plus rares, on peut citer la possibilité d’observer des ulcérations ou perforations œsophagiennes, ou encore des saignements digestifs hauts.
Si la candidose œsophagienne est associée à une candidose buccale, on peut enfin observer chez les patients des plaques blanchâtres dans la bouche ou la gorge.
Diagnostic de la candidose œsophagienne
La simple détection de Candida dans les prélèvements (salive ou selles) n’est pas suffisante pour diagnostiquer une infection, car Candida fait partie de la flore normale de l’appareil digestif.
L’utilisation de l’endoscopie digestive haute permet de visualiser directement des plaques blanches adhérentes sur la muqueuse œsophagienne, parfois accompagnées d’ulcération. On distingue 4 degrés d’atteinte œsophagienne (figure 1) :
- Grade 1 : présence de quelques plaques blanchâtres de moins de 2 mm, sans ulcération ;
- Grade 2 : multiples plaques blanchâtres de plus de 2 mm, sans ulcération ;
- Grade 3 : ulcérations confluentes ;
- Grade 4 : grade 3 avec sténose de la lumière œsophagienne (rétrécissement de l’œsophage).
Ces stades permettent d’évaluer la sévérité de la candidose œsophagienne et d’adapter les stratégies thérapeutiques.
Le diagnostic endoscopique doit être confirmé soit par un examen cytologique par brossage, soit par une biopsie qui montre une invasion de la muqueuse.
Enfin, dans certains cas complexes ou avancés, des examens utilisant l’imagerie radiologique peuvent être effectués.
Soigner et traiter la candidose œsophagienne
La candidose œsophagienne répond généralement bien au traitement antifongique. Contrairement à la candidose oropharyngée, le traitement de l’infection est généralement systémique plutôt que topique. Le médicament le plus couramment utilisé est le fluconazole, administré par voie orale à des doses de 200-400 mg une fois par jour, pour une durée de 14 à 21 jours. En cas de grossesse, l’amphotéricine B peut être utilisée, car les antifongiques de type triazole sont contre-indiqués.
En plus du traitement antifongique, il est également essentiel d’améliorer l’état de santé général du patient, en traitant les maladies sous-jacentes, en réduisant si possible l’utilisation des antibiotiques à large spectre et des immunosuppresseurs, ou encore en améliorant l’alimentation. L’utilisation combinée de régulateurs de la flore intestinale et de médicaments protecteurs de la muqueuse intestinale peut améliorer l’efficacité du traitement. À noter que la vitamine B peut aider à renforcer localement la résistance des tissus et inhiber la croissance de Candida.
Concernant la prévention de la maladie, elle repose avant tout sur l’identification des facteurs de risque et sur une gestion optimisée de ces derniers.
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