Dialyse et insuffisance rénale : Qu’est ce que c’est ?
Introduction : la fonction rénale
Le rôle des reins est de filtrer le sang et de le débarrasser des déchets produits physiologiquement par l’organisme, tels que l’urée (produit de la dégradation des protéines), la créatinine (produit de l’activité des cellules musculaires) ou encore l’acide urique (produit de la dégradation des purines). L’accumulation dans le sang de ces substances étant toxique, les reins les éliminent via leur seconde fonction : la production de l’urine. Celle-ci se déroule au sein des unités fonctionnelles des reins, les néphrons, au nombre d’un million par rein.
Ces fonctions de filtration et d’épuration participent également à maintenir l’homéostasie : tant l’équilibre hydrique de l’organisme, c’est-à-dire la quantité de liquide extracellulaire, que la concentration sanguine en minéraux, comme le calcium, le sodium ou le potassium. Enfin, les reins ont un rôle crucial dans la régulation de la pression artérielle.
Qu’est-ce que l’insuffisance rénale chronique ?
La capacité de filtration du rein faiblit naturellement avec l’âge. Cependant, lorsque la fonction d’épuration des reins diminue fortement, et ce, hors du cadre physiologique, on parle d’insuffisance rénale. L’insuffisance rénale est qualifiée de chronique au-delà de 3 mois de dysfonctionnement. Le terme chronique désigne le caractère progressif et irréversible de la destruction des reins, et ce, sans possibilité de véritable guérison ou rétablissement.
Les deux causes principales du développement d’une insuffisance rénale chronique sont deux autres pathologies chroniques : le diabète et l’hypertension artérielle. L’hyperglycémie diabétique induit une détérioration des petits vaisseaux sanguins au niveau des glomérules : à terme, cela entraîne un dysfonctionnement des reins. On parle alors de néphropathie diabétique. La néphropathie hypertensive est quant à elle la conséquence d’une altération des vaisseaux sanguins et d’une diminution de la vascularisation rénale associée à l’hypertension artérielle.
La progression de l’insuffisance rénale chronique s’étend le plus souvent sur plusieurs années et est délimitée en stades (cf. figure 1) selon le niveau de fonctionnement rénal, lui-même objectivé par la mesure du débit de filtration glomérulaire (volume de sang filtré par le rein en une unité de temps).Aux stades 1 et 2, on parle de maladie rénale chronique. A partir du stade 3a, on entre dans l’insuffisance rénale chronique. Enfin, au stade 5, on parle d’insuffisance rénale chronique terminale, les reins ne sont alors plus en capacité d’assurer leurs fonctions, ce qui représente un danger à court terme pour le patient. Un traitement de suppléance des reins est alors nécessaire, il s’agit de la greffe de rein et/ou de la dialyse. En France, en 2022, plus de 93 000 patients étaient traités pour une insuffisance rénale chronique terminale, dont un peu plus de 50 000 en dialyse.

Les deux types de dialyse
La dialyse est une pratique thérapeutique d’épuration sanguine extrarénale. Son objectif est de remplacer la fonction rénale perdue par un dispositif externe. Il est important de noter que la dialyse ne permet pas de remplacer les autres fonctions du rein, notamment ses fonctions hormonales. Il existe deux types de dialyse : l’hémodialyse qui concernait 94 % des patients traités en France en 2022 et la dialyse péritonéale (6 % des personnes dialysées).
L’hémodialyse
L’hémodialyse (cf. figure 2) est une méthode permettant des échanges à l’extérieur du corps entre le sang et un liquide (dialysat) à travers un filtre artificiel dénommé dialyseur (on parle aussi parfois de rein artificiel). L’hémodialyse nécessite une machine (appelée générateur) alimentée par une eau traitée.
Ces échanges se font grâce à la mise en place d’une voie vasculaire permettant le branchement du générateur. Il peut s’agir d’une fistule artérioveineuse (communication permanente entre une artère et une veine, le plus souvent au niveau de l’avant-bras) ou d’un cathéter tunnellisé dont l’une des extrémités est placée dans une veine tandis que l’autre ressort sur la peau.

L’hémodialyse peut être réalisée à domicile, en unité d’autodialyse, en unité de dialyse médicalisée, ou en centre de dialyse, au sein d’un établissement de santé. L’hémodialyse à domicile est réservée au patient formé (éducation thérapeutique), en mesure d’assurer couramment tous les gestes nécessaires à son traitement en présence d’une personne de son entourage qui peut lui prêter assistance. Cette modalité reste peu pratiquée (1,5 % des patients hémodialysés en 2022).
Un patient hémodialysé doit en général procéder à 3 séances d’hémodialyses par semaine, à raison de 3 à 4 heures par séance de dialyse. Le nombre de séances de dialyse peut aussi être plus important en fonction de l’état de santé du patient.
L’hémodialyse provoque en quelques semaines ou quelques mois un arrêt progressif de la diurèse.
La dialyse péritonéale
Le péritoine est une membrane qui enveloppe les organes de la cavité abdominale et le tube digestif. La dialyse péritonéale utilise les capacités de filtration du péritoine pour filtrer le sang. Elle consiste à introduire (infusion) du liquide de dialyse (dialysat) dans la cavité péritonéale, d’attendre que les échanges s’effectuent (stase) à travers la membrane péritonéale, puis de vidanger (drainage) le dialysat avant de recommencer le cycle (cf. figure 3).

La dialyse péritonéale est réalisée quotidiennement par le patient lui-même, avec ou sans l’aide d’une autre personne. Le domicile ou le lieu où réside le patient est adapté à la réalisation de la dialyse péritonéale, en s’assurant au préalable des conditions suffisantes de sécurité et de confort. Au cours de la dialyse péritonéale manuelle, les cycles (infusion + stase + drainage) sont effectués par le patient ou un aidant, le plus souvent de jour, alors que pour la dialyse péritonéale automatisée, ils sont réalisés généralement la nuit, pendant le sommeil, par une machine appelée cycleur.
Chez un patient traité par dialyse péritonéale, la diurèse est conservée pendant plusieurs mois voire plusieurs années, selon l’évolution du degré de fonctionnement des reins.
Comment choisir entre les deux techniques de dialyse ?
Le choix de la technique de dialyse, en l’absence de contre-indication médicale, revient au patient après qu’il ait reçu toutes les informations nécessaires par l’équipe soignante. Les contre-indications à la dialyse péritonéale sont par exemple la perte de la fonction péritonéale, des adhérences limitant l’écoulement de dialysat, des plaies abdominales récentes ou encore des fistules abdominales. Une obésité pathologique ou une dénutrition sévère sont également des situations limitant l’accès à la dialyse péritonéale. Cette dernière est par ailleurs généralement mieux supportée que l’hémodialyse chez les patients présentant une tension artérielle instable.
Les facteurs non médicaux pouvant influencer le choix du type de dialyse sont le mode de vie du patient, sa capacité d’autonomisation, sa capacité à stocker le matériel pour la dialyse à domicile ou encore ses craintes liées à la technique.
Si la dialyse péritonéale présente l’avantage d’offrir une plus grande indépendance, au domicile, sans dépendre d’une machine de dialyse, tout en générant moins d’effets secondaires de type hypotension artérielle, elle présente aussi un risque infectieux beaucoup plus élevé nécessitant un respect strict des règles d’hygiène. Les études scientifiques récentes montrent que la dialyse péritonéale permettrait d’avoir une qualité de vie améliorée, pour une survie équivalente, à un coût à priori moins élevé que celui de l’hémodialyse.
Dialyse et régime alimentaire
Au-delà des soins spécifiques, une prise en charge nutritionnelle s’avère nécessaire pour préserver la santé d’un patient dialysé. Les grands principes de l’alimentation en hémodialyse sont un apport suffisant en énergie et en protéines, une limitation des apports en potassium, en phosphore et en sel, ainsi qu’une limitation des boissons.
En dialyse péritonéale, une fonction rénale résiduelle est souvent préservée, ce qui permet un régime plus souple, notamment sans restriction en potassium. En revanche, la solution de dialyse contenant du sucre, les apports en sucres doivent être aussi limités.
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