Comment reconnaître et traiter la dénutrition chez l’enfant ?
La dénutrition, qui se caractérise par un déséquilibre entre les apports et les besoins nutritionnels de l’organisme, représente un enjeu majeur de santé publique. Cette pathologie nutritionnelle, qui peut survenir à tout âge, est particulièrement préoccupante chez l’enfant car elle impacte directement sa croissance et son développement. Elle se manifeste par une perte de poids involontaire ou une stagnation pondérale, associée à une altération des fonctions physiologiques. Bien que souvent associée aux pays en développement, la dénutrition infantile existe également dans les pays industrialisés, où elle touche notamment les enfants atteints de pathologies chroniques ou en situation de précarité. En France, elle concerne ainsi 10 % des enfants hospitalisés.
Les signes d’alerte : comment détecter la dénutrition chez l’enfant
La dénutrition chez l’enfant nécessite une vigilance particulière car elle peut avoir des conséquences graves sur son développement. Son identification précoce repose sur des critères précis et une surveillance régulière, permettant une prise en charge rapide et adaptée.
Les critères de diagnostic officiels selon la HAS
Le diagnostic de dénutrition repose sur l’association d’au moins un critère phénotypique et un critère étiologique, selon les recommandations 2019 de la Haute Autorité de Santé.
Critères phénotypiques (1 seul critère suffit)
- Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;
- IMC < courbe IOTF 18,5 ;
- Stagnation pondérale aboutissant à un poids situé 2 couloirs en dessous du couloir habituel ;
- Réduction de la masse et/ou de la fonction musculaires.
Critères étiologiques (1 seul critère suffit)
- Réduction de la prise alimentaire ≥ 50 % pendant plus d’1 semaine ou toute réduction des apports pendant plus de 2 semaines par rapport à la consommation habituelle ou aux besoins estimés ;
- Absorption réduite (malabsorption/maldigestion) ;
- Situation d’agression (hypercatabolisme protéique avec ou sans syndrome inflammatoire) : pathologie aiguë, chronique évolutive ou maligne évolutive.
La sévérité de la dénutrition
La dénutrition est considérée comme modérée lorsque l’IMC se situe entre la courbe IOTF 17 et la courbe IOTF 18,5, ou en cas de perte de poids entre 5 % et 10 % en 1 mois ou entre 10 % et 15 % en 6 mois.
Elle est qualifiée de sévère si l’IMC est inférieur ou égal à la courbe IOTF 17, si la perte de poids dépasse 10 % en 1 mois ou 15 % en 6 mois, ou en présence d’un infléchissement statural avec perte d’au moins un couloir par rapport à la taille habituelle.
Les signes d’alerte cliniques
Les manifestations physiques de la dénutrition sont multiples et doivent être surveillées attentivement. Les signes cliniques majeurs à observer sont :
- La perte de poids, qu’elle soit récente ou progressive ;
- Une fonte musculaire visible au niveau des cuisses et des bras ;
- Une diminution du panicule adipeux avec des joues creuses ;
- Des cheveux secs et cassants ;
- Une peau moins élastique et pâle ;
- Une fatigue inhabituelle persistante ;
- Une sensibilité accrue aux infections.
Les outils d’évaluation
La surveillance régulière de la croissance staturo-pondérale constitue l’outil principal de dépistage. Le carnet de santé, avec ses courbes de croissance, permet un suivi longitudinal essentiel en visualisant l’évolution du poids, de la taille et de l’IMC selon l’âge.
Le rôle des professionnels dans la détection de la dénutrition
Les professionnels de santé doivent effectuer une évaluation systématique lors de chaque consultation. Les actions essentielles comprennent :
- La mesure précise du poids et de la taille ;
- Le calcul et le report de l’IMC sur les courbes ;
- L’évaluation détaillée de la prise alimentaire ;
- La recherche de situations à risque, notamment :
- Les pathologies aiguës sévères ou répétées ;
- Les troubles de l’oralité ou de la déglutition ;
- Les régimes restrictifs ;
- La précarité sociale ;
- Les troubles du comportement alimentaire ;
- Les traitements médicamenteux au long cours.
L’examen clinique complet doit quant à lui évaluer :
- L’état musculaire : fonte musculaire au niveau des quadriceps et deltoïdes ;
- L’état du tissu adipeux : perte des boules de Bichat, plis cutanés ;
- L’état cutané : sécheresse, retard de cicatrisation, escarres ;
- L’état des phanères : cheveux cassants, ongles striés ;
- La présence d’œdèmes des membres inférieurs ;
- L’état bucco-dentaire et la capacité de mastication ;
- Le niveau de fatigue et d’activité physique ;
- L’état psychologique et cognitif.
Impacts sur la santé : comprendre les conséquences de la dénutrition infantile
La dénutrition chez l’enfant entraîne des conséquences graves et multiples qui peuvent compromettre son développement global et sa santé future. Ces impacts s’observent à différents niveaux et peuvent avoir des répercussions durables tout au long de la vie.
Les conséquences physiologiques
En France, la dénutrition touche principalement les enfants hospitalisés, où elle aggrave significativement le pronostic de la pathologie initiale. Elle provoque des altérations profondes de l’organisme, avec une fonte musculaire visible et une diminution du tissu adipeux sous-cutané. Le système immunitaire est particulièrement affecté, ce qui augmente la vulnérabilité aux infections, ralentit la guérison des plaies et complique la prise en charge de la maladie sous-jacente.
Les carences nutritionnelles spécifiques affectent de nombreuses fonctions vitales :
- L’anémie par carence en fer perturbe l’oxygénation des tissus ;
- Le manque de calcium et de vitamine D fragilise la structure osseuse ;
- L’insuffisance en acides gras essentiels compromet le développement neurologique.
L’impact sur la croissance
La surveillance des courbes de croissance révèle souvent les premiers signes de dénutrition. Une cassure dans la courbe de poids constitue un signal d’alarme précoce, suivi quelques mois plus tard par un ralentissement de la croissance en taille. Cette séquence caractéristique traduit l’installation d’une dénutrition chronique. Sans intervention rapide, ces retards de croissance peuvent devenir irréversibles et affecter définitivement le potentiel de développement physique de l’enfant.
Les effets sur le développement cognitif
La nutrition joue un rôle essentiel dans le développement cérébral de l’enfant. Chez les enfants hospitalisés ou atteints de pathologies chroniques, la dénutrition peut ainsi affecter les capacités cognitives, menant à des difficultés d’apprentissage et une baisse des performances scolaires. Ces impacts sur le développement cognitif sont particulièrement importants à prendre en compte dans le contexte d’une hospitalisation prolongée ou d’une maladie chronique, où la renutrition précoce devient un enjeu majeur pour préserver le potentiel de développement de l’enfant.
Le parcours de prise en charge pour traiter la dénutrition chez l’enfant
La prise en charge de la dénutrition chez l’enfant nécessite une approche méthodique et personnalisée, reposant sur une collaboration étroite entre les différents acteurs de santé. Cette synergie entre médecin traitant, pédiatre, diététiciens nutritionnistes et autres spécialistes permet d’assurer une prise en charge globale et adaptée, chacun apportant son expertise spécifique dans le traitement et le suivi. Le succès du traitement repose sur une évaluation précise, des solutions nutritionnelles adaptées et un accompagnement soutenu de la famille.
L’évaluation initiale
L’évaluation nutritionnelle initiale constitue le socle d’une prise en charge efficace de la dénutrition chez l’enfant. Cette première étape comprend une analyse approfondie de l’historique pondéral complet avec étude détaillée des courbes de croissance. Le calcul des besoins énergétiques s’effectue selon une formule adaptée à l’âge. Une évaluation précise des apports alimentaires sur trois jours permet d’établir un diagnostic nutritionnel complet, renforcé par un examen clinique détaillé recherchant les signes de dénutrition. Si une dénutrition est diagnostiquée, le dosage de l’albuminémie pourra être réalisé pour en évaluer la sévérité.
Des solutions nutritionnelles personnalisées
La stratégie nutritionnelle doit être adaptée au contexte (hospitalisation ou ambulatoire) et aux caractéristiques du patient (âge, pathologie sous-jacente). En ambulatoire, elle débute généralement par un enrichissement alimentaire ciblé avec l’ajout de matières grasses (huile, crème, beurre) et un enrichissement protéique (poudre de lait, fromage râpé). L’utilisation adaptée de féculents et l’introduction de collations nutritives complètent ce dispositif.
En cas d’échec ou d’insuffisance de l’enrichissement, la prescription de compléments nutritionnels oraux (CNO) constitue la deuxième étape. Ces produits, disponibles sous différentes formes (boissons lactées, crèmes, jus de fruits, soupes) et saveurs, sont spécifiquement adaptés à l’âge de l’enfant. Leur prescription doit tenir compte des préférences de goût et de texture pour optimiser l’observance.
En milieu hospitalier ou en cas d’échec des mesures précédentes, le recours à la nutrition entérale peut être envisagé. Sa mise en place doit être progressive et nécessite une formation approfondie des parents aux soins, avec un accompagnement particulier lors du retour à domicile.
Le suivi et l’adaptation du traitement
Le monitoring s’effectue de manière rigoureuse avec une pesée hebdomadaire durant les premiers mois, associée à une mesure mensuelle de la taille. Les apports sont constamment ajustés en fonction de la croissance observée, tandis que les objectifs font l’objet d’une réévaluation régulière.
Sources :
- https://sante.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/article/prevention-de-la-denutrition-une-semaine-pour-sensibiliser-et-se-mobiliser
- https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/brochure_denutrition.pdf
- https://www.has-sante.fr/jcms/p_3118872/fr/diagnostic-de-la-denutrition-de-l-enfant-et-de-l-adulte
- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/reco277_recommandations_rbp_denutrition_cd_2019_11_13_v0.pdf
- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/reco277_argumentaire_rbp_denutrition__cd_2019_11_13_v0.pdf
- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-11/reco368_fiche_outil_denutrition_pa_cd_20211110_v1.pdf
- https://ensemble.aesio.fr/aesio-mag/comment-reconnaitre-et-soigner-la-denutrition
- https://www.sfpediatrie.com/sites/www.sfpediatrie.com/files/medias/documents/recos-sfp-cn_depistage_denutrition_oct_2012_0.pdf
- https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC8839299/
- https://fmedecine.univ-setif.dz/ProgrammeCours/06.05.D%C3%A9nutrition%20externes%20Covid%202020.pdf
- https://utn.chu-montpellier.fr/fileadmin/Minisites/UTN/LIVRET-DENUTRITION-PEDIATRIE-30-11-2020.pdf
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