Comprendre le cancer de l’estomac
Définition du cancer de l’estomac
L’estomac fait partie du système digestif ; il est situé dans la partie haute de l’abdomen, entre l’œsophage et l’intestin grêle. Il existe différents types de cancers de l’estomac. On peut les catégoriser :
1. en fonction de la nature des cellules dans lesquelles ils se développent initialement.
- Dans 90 % des cas, il s’agit d’un adénocarcinome. Le cancer se développe à partir de cellules de la couche superficielle de la muqueuse au niveau des glandes de la muqueuse gastrique qui produisent le suc gastrique ;
- Plus rarement, le cancer de l’estomac peut être :
- un lymphome gastrique du MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) : il s’agit d’un cancer non épithélial qui se développe à partir de globules blancs infiltrant l’estomac, notamment en cas d’infection par la bactérie Helicobacter pylori ;
- une tumeur stromale gastro-intestinale (TSGI) issue du tissu conjonctif ;
- une tumeur endocrine gastrique qui se développe à partir des cellules neuroendocrines présentes dans la muqueuse de l’estomac.
2. en fonction de la localisation de la tumeur initiale dans l’estomac (cf. figure 1). On distingue en particulier :
- les tumeurs du cardia (qui correspond à la jonction entre l’œsophage et l’estomac) ;
- les tumeurs de l’estomac distal (ou non-cardia).
Les tumeurs du cardia et les tumeurs distales se distinguent en particulier par des facteurs de risque, des caractéristiques histopathologiques ou encore des modalités thérapeutiques différents.

Au niveau mondial, le cancer gastrique est au 4e rang d’incidence des cancers chez les hommes et au 7e rang d’incidence des cancers chez les femmes. Il représente la 4e cause de mortalité par cancer chez les hommes et la 5e cause de mortalité par cancer chez les femmes. En France, en 2018, plus de 6 500 nouveaux cas de cancers gastriques ont été décomptés, ainsi que près de 4 300 décès dont la cause est un cancer de l’estomac.
Quels sont les symptômes du cancer gastrique ?
Les premiers signes ou symptômes d’un cancer de l’estomac sont le plus souvent peu nombreux et peu spécifiques. Ils peuvent s’apparenter aux symptômes de nombreuses autres maladies. De ce fait, il est souvent compliqué de diagnostiquer précocement un cancer gastrique. Les premiers signes qui peuvent se manifester sont des douleurs d’estomac ou gastralgies, une difficulté persistante à digérer (dyspepsie), une perte d’appétit ou une anorexie qui peut concerner tout particulièrement les viandes ou les graisses, des nausées ou des vomissements, une diarrhée chronique, des vomissements de sang, la présence de sang dans les selles, des phlébites à répétition et sans cause précise au niveau des membres inférieurs ou supérieurs. Une anémie et une baisse de forme générale peuvent aussi se manifester.
La localisation de la tumeur cancéreuse peut entraîner des symptômes spécifiques. Par exemple, en cas de cancer du cardia, une dysphagie (gêne à la déglutition), voire une aphagiepeut être rapportée.En cas de maladie plus avancée, les symptômes peuvent évoluer vers un amaigrissement progressif et une grande fatigue, des difficultés plus importantes à avaler, ainsi que plus de vomissements, un essoufflement ou encore de la fièvre. La perforation de l’estomac est une complication rare qui peut parfois révéler la maladie.
Causes potentielles d’un cancer gastrique
A noter tout d’abord que les cancers de l’estomac touchent plus fréquemment les hommes que les femmes et que le risque de développer ce type de cancer augmente nettement à partir de 50 ans. La plupart des cancers gastriques sont en effet diagnostiqués après 60 ou 70 ans. On distingue par ailleurs plusieurs facteurs de risque (cf. figure 2).

Infection à Helicobacter pylori
Un des principaux facteurs de risque identifiés au cancer de l’estomac est l’infection à Helicobacter pylori. Helicobacter pylori est une bactérie qui colonise la muqueuse de l’estomac, où elle est capable de survivre malgré l’acidité des sucs gastriques. L’infection est souvent contractée pendant l’enfance et une infection de longue durée de l’estomac par cette bactérie peut conduire à une gastrite chronique qui fragilise l’estomac et favorise le développement d’une tumeur. A noter que, si plus de 20 % des adultes seraient infectés par cette bactérie, seulement une faible proportion des personnes infectées (environ 1 %) voient cette infection entraîner le développement d’un cancer gastrique. H. pylori serait tout de même responsable de 80 % des cas de cancer de l’estomac (hors cardia), y compris le lymphome gastrique du MALT.
Virus d’Epstein-Barr
Le virus d’Epstein-Barr (EBV) est le virus responsable de la mononucléose infectieuse. Les infections consécutives à ce virus sont le plus souvent bénignes. Cependant, le présence de l’EBV pourrait favoriser le développement de cellules cancéreuses au niveau de l’estomac.
Autres pathologies de l’estomac
- Le reflux gastro-œsophagien est un facteur de risque du cancer gastrique, en particulier du cancer du cardia ;
- la présence de polypes gastriques sur les muqueuses qui peuvent parfois devenir cancéreux ;
- la maladie de Biermer : il s’agit d’une maladie auto-immune qui conduit à une atrophie de la muqueuse de l’estomac ;
- l’œsophage de Barrett est un revêtement anormal de la partie inférieure de l’estomac et peut prédisposer à l’adénocarcinome du cardia gastrique ;
- la maladie de Ménétrier est une maladie rare qui est associée à des modifications de la paroi de l’estomac ;
- un antécédent chirurgical de l’estomac en raison d’un ulcère gastrique par exemple peut aussi augmenter le risque de développement de cellules cancéreuses.
L’obésité
Les personnes en situation d’obésité à long terme seraient plus à risque de développer un cancer gastrique, notamment au niveau du cardia. Plusieurs explications sont possibles : le reflux gastro-œsophagien qui est plus fréquent, les troubles métaboliques ou encore l’inflammation associés à l’obésité.
Les facteurs liés au mode de vie
- Le tabagisme est associé à une hausse du risque de cancer gastrique : plus de 10 % des cancers gastriques dans le monde seraient attribuables à la consommation de tabac ;
- la consommation excessive d’alcool est un autre facteur de risque modifiable ;
- l’alimentation est également un facteur de risque du cancer gastrique : c’est tout particulièrement la consommation excessive de sel qui pourrait provoquer une inflammation chronique au niveau de la muqueuse gastrique, favorable au développement de cellules cancéreuses. Les charcuteries et viandes transformées, qui associent sel et nitrates, pourraient, en consommation excessive, favoriser le cancer de l’estomac, alors que la consommation de fruits et de légumes et le suivi d’une alimentation de type méditerranéen seraient protecteurs vis-à-vis de ce risque cancéreux.
Les facteurs héréditaires
Chez les personnes ayant des antécédents familiaux de cancer gastrique avec un parent de premier degré (parents, sœur, frère), le risque de développer la maladie est multiplié par deux ou trois. Dans les familles les plus atteintes, il peut y avoir des anomalies génétiques ; ces dernières sont impliquées dans 1 à 3 % des cancers gastriques, particulièrement chez les patients les plus jeunes, de moins de 40 ans. On peut relever principalement :
- le cancer diffus héréditaire, causé par la mutation du gène CDH1 ;
- le syndrome de Lynch ;
- la polypose juvénile ;
- la polypose adénomateuse familiale.
Dépistage et diagnostic du cancer de l’estomac
Il n’existe pas en France de dépistage systématique du cancer gastrique. Dans d’autres régions du monde beaucoup plus touchées par la maladie, comme le Japon, un dépistage systématique de masse a été mis en place dès le début des années 60. Au niveau européen, le Conseil de l’Union européenne a recommandé récemment la mise en place d’un dépistage, uniquement dans les pays ou régions présentant une incidence et un taux de mortalité élevé. Ce dépistage pourrait en particulier s’appuyer sur une stratégie de recherche et de traitement de l’infection par Helicobacter pylori.
Pour diagnostiquer un cancer gastrique, le médecin procède tout d’abord à une interrogation du patient sur ses symptômes, puis sur les antécédents médicaux personnels et familiaux. Suite à l’examen clinique, si un cancer gastrique est suspecté, une endoscopie sera réalisée. Elle permet de visualiser le haut de l’appareil digestif (œsophage, estomac et partie supérieure de l’intestin grêle) et de détecter d’éventuelles lésions. Un ou plusieurs prélèvements (biopsies) sont ensuite réalisés en cas de suspicion de cancer.
Si le diagnostic est confirmé par les analyses, un bilan d’extension est réalisé dans l’objectif de détecter la présence éventuelle de cellules cancéreuses dans d’autres zones de l’organisme. Un scanner de l’ensemble du tronc est en particulier réalisé. Les résultats permettront d’aider à déterminer le traitement le plus approprié.
Prise en charge et traitement du cancer gastrique
La chirurgie constitue le traitement de référence des cancers gastriques localisés, souvent en association avec la chimiothérapie. Une ablation (gastrectomie) partielle de l’estomac est réalisée si possible. Sinon, il peut s’agir d’une gastrectomie totale, en particulier en cas de cancer du cardia. Il est en effet tout à fait possible de vivre sans estomac, l’extrémité de l’œsophage étant alors raccordée à l’intestin grêle.
La radiothérapie est peu utilisée pour les cancers de l’estomac. Elle peut être par exemple effectuée en amont de la chirurgie pour tenter de faire régresser la tumeur avant l’opération.
Au-delà de ces traitements classiques, les thérapies ciblées peuvent aussi être utilisées en cas de tumeur située au niveau de l’estomac. Il s’agit de médicaments anticancéreux qui ciblent les caractéristiques propres aux cellules cancéreuses. On peut aussi citer l’immunothérapie qui consiste à agir sur le système immunitaire du patient pour l’aider à lutter contre sa maladie.
Évolution / chances de guérison après un cancer de l’estomac
Le pronostic du cancer de l’estomac est assez défavorable. En effet, en France, en 2018, le taux de survie nette standardisé à 5 ans était de 30 %. A noter cependant que ce taux est plus favorable chez les femmes que chez les hommes. Il est aussi plus élevé parmi les personnes les plus jeunes qui ont développé la maladie.
Suivi d’un cancer de l’estomac après le traitement
Après une gastrectomie partielle ou totale, le patient va devoir être accompagné pour gérer les troubles digestifs associés à l’opération. En particulier, les quantités d’aliments que le patient peut ingérer sont diminuées ; il est donc recommandé de réduire le volume de chaque repas et de compenser en augmentant le nombre de prises alimentaires quotidiennes afin de limiter la perte de poids. Le suivi par un diététicien est important pour permettre au patient de s’adapter à sa nouvelle situation et pour une bonne gestion de l’état nutritionnel (évitement des carences, maintien du poids).Une surveillance médicale est aussi mise en place avec des examens cliniques, sanguins et d’imagerie, programmés à intervalles réguliers pendant plusieurs années. Ceci afin d’assurer la bonne guérison et de détecter le plus précocement possible toute récidive éventuelle.
Références
Bonelli, P., Borrelli, A., Tuccillo, F.M., Silvestro, L., Palaia, R., Buonaguro, F.M., 2019. Precision medicine in gastric cancer. World Journal of Gastrointestinal Oncology 11, 804–829. https://doi.org/10.4251/wjgo.v11.i10.804
Chevallay, M., Jung, M., Morel, P., Mönig, S., 2018. Cancer de l’estomac : prise en charge et traitement multidisciplinaire. Rev Med Suisse 630, 2221–2225.
Eom, S.S., Ryu, K.W., Han, H.S., Kong, S.-H., 2025. A Comprehensive and Comparative Review of Global Gastric Cancer Treatment Guidelines: 2024 Update. J Gastric Cancer 25, 153–176. https://doi.org/10.5230/jgc.2025.25.e10
Fondation ARC pour la recherche sur le cancer. Les cancers de l’estomac. Collection Comprendre et Agir, 2024.
Leja, M., 2024. Where are we with gastric cancer screening in Europe in 2024? Gut 73, e332705. https://doi.org/10.1136/gutjnl-2024-332705
Luo, M.-Z., Shu, L., Ye, X.-S., 2025. Association between priori and posteriori dietary patterns and gastric cancer risk: an updated systematic review and meta-analysis of observational studies. Eur J Cancer Prev 34, 157–172. https://doi.org/10.1097/CEJ.0000000000000900
Mamun, T.I., Younus, S., Rahman, Md.H., 2024. Gastric cancer—Epidemiology, modifiable and non-modifiable risk factors, challenges and opportunities: An updated review. Cancer Treatment and Research Communications 41, 100845. https://doi.org/10.1016/j.ctarc.2024.100845
Mazurek, M., Szewc, M., Sitarz, M.Z., Dudzińska, E., Sitarz, R., 2024. Gastric Cancer: An Up-to-Date Review with New Insights into Early-Onset Gastric Cancer. Cancers 16, 3163. https://doi.org/10.3390/cancers16183163
Smyth, E.C., Nilsson, M., Grabsch, H.I., Grieken, N.C. van, Lordick, F., 2020. Gastric cancer. The Lancet 396, 635–648. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)31288-5
Yang, W.-J., Zhao, H.-P., Yu, Y., Wang, J.-H., Guo, L., Liu, J.-Y., Pu, J., Lv, J., 2023. Updates on global epidemiology, risk and prognostic factors of gastric cancer. World Journal of Gastroenterology 29, 2452–2468. https://doi.org/10.3748/wjg.v29.i16.2452
Zaanan, A., Bouché, O., Benhaim, L., Buecher, B., Chapelle, N., Dubreuil, O., Fares, N., Granger, V., Lefort, C., Gagniere, J., Meilleroux, J., Baumann, A.-S., Vendrely, V., Ducreux, M., Michel, P., 2018. Gastric cancer: French intergroup clinical practice guidelines for diagnosis, treatments and follow-up (SNFGE, FFCD, GERCOR, UNICANCER, SFCD, SFED, SFRO). Digestive and Liver Disease 50, 768–779. https://doi.org/10.1016/j.dld.2018.04.025
cette semaine