Ce que vous devez savoir sur le cancer de la bouche
Cancer de la bouche : définition et épidémiologie
La cavité buccale, communément appelée bouche, est une dénomination anatomique large regroupant plusieurs sous-localisations (cf. figure 1). Elle comprend les régions allant des arcades dentaires jusqu’à la jonction avec l’oropharynx. Elle inclut également la face interne des joues, les lèvres muqueuses et le vestibule (qui correspond à la muqueuse située entre les arcades dentaires et la face interne des joues et des lèvres).
Les principaux cancers de la cavité buccale sont :
- les cancers de la langue mobile qui représentent 20 à 30 % des cas ;
- les cancers du plancher buccal (20 à 30 % des cas également) ;
- les autres localisations sont moins fréquentes : il s’agit des lèvres muqueuses, de la face interne des joues, de la commissure intermaxillaire, des gencives et du palais dur (ou palais osseux).
Les cancers de la bouche font partie de la catégorie des cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) aussi appelés « cancers de la tête et du cou », tout comme les cancers de la gorge, des sinus ou encore de la face. Selon le rapport sur le fardeau mondial du cancer, ces cancers de la tête et du cou occupent le 8e rang sur 36 en termes d’incidence. En France, pour l’année 2018, le nombre estimé de nouveaux cas de cancer de la cavité buccale était de 4 677 dont 3 106 chez les hommes et 1 571 chez les femmes.

S’il existe différents types de cancer de la bouche, plus de 90 % sont des carcinomes épidermoïdes. Ils se développent aux dépens de l’épithélium de la muqueuse buccale. Le carcinome épidermoïde de la cavité́ orale est le 17e cancer le plus fréquent dans le monde.
Quels sont les signes et symptômes du cancer de la bouche ?
Si un cancer de la bouche engendre souvent des symptômes à un stade précoce de la pathologie, ceux-ci ne sont néanmoins pas spécifiques à un cancer, ce qui empêche souvent une détection précoce. Les deux symptômes les plus fréquents à un stade initial de la maladie sont une lésion qui persiste sans cicatriser, dans la bouche ou sur la lèvre, ou une douleur dans la bouche qui ne disparaît pas.Parmi les autres signes ou symptômes d’un cancer de la bouche, on peut citer :
- une leucoplasie (formation d’une plaque anormalement blanche et plus ou moins granuleuse). Attention : une leucoplasie ne va pas forcément dégénérer en cancer !
- une érythroplasie (formation de plaques rouges) ;
- des saignements de la muqueuse buccale ;
- une masse dans la bouche, sur les lèvres ou la langue ;
- un épaississement de la muqueuse buccale ;
- une otalgie (douleur d’oreille) persistante ;
- une mobilité dentaire ;
- une perte de sensibilité ou un engourdissement localisé ;
- des difficultés à mâcher ;
- une douleur à la déglutition (odynophagie) ;
- un excès de salivation ;
- une zone localement enflée ;
- une modification de la voix ;
- une mauvaise haleine.
A un stade plus avancé, d’autres symptômes peuvent faire leur apparition, tels qu’une difficulté à mastiquer ou à déglutir (dysphagie) ou encore une gêne fonctionnelle lors de la prise de parole (dysphonie).
Le cancer de la bouche peut se propager à d’autres parties du corps, pouvant entraîner d’autres symptômes, par exemple des ganglions lymphatiques enflés.
Ces symptômes localisés peuvent être accompagnés de signes plus généraux : fatigue, perte d’appétit, perte de poids, poussées de fièvre ou encore sueurs nocturnes.
Cancers de la bouche : les facteurs de risque
Tabac et alcool
Le tabagisme constitue le facteur de risque principal des cancers de la cavité buccale. Le risque de développer un cancer de la bouche est lié au nombre de cigarettes fumées chaque jour, mais surtout à la durée de la consommation. Les gros fumeurs présentent un risque trois fois plus élevé que les non-fumeurs. Cependant, si on arrête l’exposition au facteur de risque, il est possible d’observer une réparation cellulaire. Il existe donc une réduction du risque de développer un cancer lors de la suppression de la consommation du tabac. Des études ont même montré que le risque n’est pas plus élevé chez les personnes qui ont arrêté de fumer depuis 20 ans par rapport aux personnes qui n’ont jamais fumé, c’est pourquoi il est essentiel de cesser la consommation tabagique le plus tôt possible.
L’alcool est considéré comme le 2e facteur de risque principal du cancer de la cavité orale. Le risque de développer un cancer des lèvres, de la bouche ou du pharynx augmente de plus de 80 % chez les personnes qui consomment entre 12,5 et 50 g d’alcool par jour, par rapport aux non-consommateurs d’alcool ou aux consommateurs occasionnels. Comme pour le tabac, l’arrêt de la consommation d’alcool résulte en une diminution du risque de développer un cancer. Après 20 ans, le risque n’est pas plus élevé que celui des personnes qui n’ont jamais bu. L’alcool a la particularité de potentialiser les effets du tabac. Il est considéré comme un agent cocarcinogène en agissant avec le tabac de façon synergique. L’augmentation du risque croît donc quand les deux facteurs sont combinés, et ce de façon exponentielle.
Les affections orales à potentiel malin
Les affections ou lésions orales à potentiel malin sont des lésions précancéreuses, définies comme étant un tissu morphologiquement altéré au sein duquel un cancer apparaît plus souvent que dans le tissu normal. Les leucoplasies, les érythroplasies et le lichen plan sont les principales affections orales à potentiel malin en Europe. Le risque de transformation maligne est plus élevé lorsque les lésions sont situées au niveau du plancher buccal et de la langue et qu’elles ont un aspect non homogène.
Infections par le papillomavirus humain
Le virus du papillome humain (HPV) appartient à une famille de virus comptant 120 variantes. Il est la cause de plus de 5 % des cancers à travers le monde, dont le cancer du col de l’utérus et, dans une proportion croissante, le cancer oropharyngé. Le génotype HPV-16 augmente le risque du cancer de la base de la langue et des amygdales, alors que HPV-18 pourrait aussi avoir un rôle potentiel dans l’apparition d’un cancer oral.
Autres facteurs de risque des cancers buccaux
Parmi les autres facteurs de risque, on peut noter l’exposition aux rayons UV qui est un facteur de risque du cancer des lèvres. Une mauvaise hygiène buccale, une candidose chronique, des infections à herpès virus et des immunodéficiences telles que le VIH ou encore des plaies chroniques au niveau de la muqueuse buccale seraient aussi favorables au développement de cellules cancéreuses dans la bouche.
Enfin, l’alimentation pourrait aussi avoir un rôle dans le développement des cancers de la cavité buccale, en particulier une consommation élevée de boissons sucrées et un régime pauvre en fruits et légumes.
Le diagnostic d’un cancer de la bouche
Il n’existe pas de dépistage systématique du cancer de la bouche. Un cancer de la bouche peut être détecté lors d’un bilan chez le dentiste ou chez le médecin. En cas de suspicion de tumeur maligne buccale, une consultation spécialisée est nécessaire pour réaliser un examen clinique minutieux de la cavité buccale et de l’oropharynx, par naso-fibroscopie.
Parmi les autres examens réalisés, on peut citer un bilan d’imagerie : scanner cervico-thoracique, IRM et éventuellement une panendoscopie qui se réalise sous anesthésie générale et qui permet de mieux évaluer la tumeur et son extension profonde, ainsi que de rechercher d’autres lésions éventuelles de la bouche, du pharynx et du larynx.
Une biopsie permet enfin de prélever des tissus afin de les faire analyser en laboratoire.
Quelle prise en charge pour traiter un cancer buccal ?
Le traitement choisi pour prendre en charge un cancer situé au niveau buccal dépend de la localisation exacte de la tumeur et de son stade de développement, mais aussi de l’âge du patient, de son état de santé général et de ses antécédents médicaux.
La chirurgie est le traitement de référence en première intention pour les tumeurs non métastatiques. Elle consiste à la résection de la tumeur, associée ou pas au curage des aires ganglionnaires. Compte tenu des pertes de tissus liées à la chirurgie, des procédures de reconstruction peuvent être réalisées. La chirurgie peut être associée à une radiothérapie cervico-faciale et/ou une chimiothérapie.
On peut parfois avoir recours à l’immunothérapie qui aide à renforcer ou à rétablir la capacité du système immunitaire contre le cancer ou encore à la thérapie ciblée (prise de médicaments anticancéreux).
Chances de guérison, évolution et suivi d’un cancer de la bouche
Les cancers de la cavité buccale sont des cancers de pronostic défavorable. Les données françaises montrent une survie nette standardisée à 5 ans de 49 %, qui est plus élevée chez la femme (56 %) que chez l’homme (44 %).
Après un traitement, une surveillance spécifique et rigoureuse doit par ailleurs être mise en place sur plusieurs années, pour détecter le plus tôt possible les éventuelles récidives locales ou à distance.Par ailleurs, la mise en place de soins de support peut s’avérer nécessaire pour améliorer la qualité de vie sur les plans physique, psychologique ou encore social.
Prévention des cancers de la bouche
En plus de la recommandation prioritaire visant à arrêter la consommation de tabac et d’alcool pour réduire le risque de cancer buccal, l’augmentation de la consommation de fruits et légumes et la réduction de la consommation de boissons sucrées sont deux leviers contribuant à la prévention des cancers de la cavité buccale.
Références
Ernani, V., Saba, N.F., 2015. Oral Cavity Cancer: Risk Factors, Pathology, and Management. Oncology 89, 187–195. https://doi.org/10.1159/000398801
Galleri, AC., 2018. Cancer de la cavité orale : mise en place d’une campagne de prévention et d’éducation à l’auto-examen. Chirurgie. dumas-01989553
Heller, M.A., Nyirjesy, S.C., Balsiger, R., Talbot, N., VanKoevering, K.K., Haring, C.T., Old, M.O., Kang, S.Y., Seim, N.B., 2023. Modifiable risk factors for oral cavity cancer in non-smokers: A systematic review and meta-analysis. Oral Oncology 137, 106300. https://doi.org/10.1016/j.oraloncology.2022.106300
Kumar, M., Nanavati, R., Modi, T.G., Dobariya, C., 2016. Oral cancer: Etiology and risk factors: A review. Journal of Cancer Research and Therapeutics 12, 458. https://doi.org/10.4103/0973-1482.186696
Latino-Martel, P., Druesne-Pecollo, N., Dumond, A., 2011. Facteurs nutritionnels et risque de cancer de la cavité buccale. Revue de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-faciale 112, 155–159. https://doi.org/10.1016/j.stomax.2011.04.002
Ogden, G.R., 2018. Alcohol and mouth cancer. Br Dent J 225, 880–883. https://doi.org/10.1038/sj.bdj.2018.921
Paré, A., Joly, A., 2017. Cancers de la cavité buccale : facteurs de risque et prise en charge. La Presse Médicale 46, 320–330. https://doi.org/10.1016/j.lpm.2017.01.004
Rochefort, J., Radoi, L., Campana, F., Fricain, J.-C., Lescaille, G., 2024. Le cancer de la cavité orale : une entité spécifique ? Med Sci (Paris) 40, 57–63. https://doi.org/10.1051/medsci/2023196
Shams, S., 2024. Counselling pour les patients atteints d’un cancer de la bouche. Can Oncol Nurs J 34, 238–244. https://doi.org/10.5737/23688076342238
cette semaine