Chirurgie bariatrique et de l’obésité : principes, pratiques et bénéfices
Définition de l’obésité et de la chirurgie bariatrique
L’obésité est une pathologie qui se caractérise par un excès de masse grasse ayant un retentissement néfaste pour la santé. L’obésité touche plus d’un tiers de la population mondiale, avec une prévalence croissante. En France, environ 17,0 % des adultes sont en situation d’obésité selon l’étude Obépi 2020. L’obésité est le résultat d’une interaction complexe de facteurs génétiques, environnementaux, sociaux, psychologiques et comportementaux, conduisant à un déséquilibre entre les apports et les dépenses énergétiques. Les complications de l’obésité, notamment cardiométaboliques, ostéoarticulaires, respiratoires, oncologiques et psychosociales, contribuent à sa gravité et rendent nécessaire une prise en charge multidisciplinaire structurée.
La chirurgie bariatrique consiste en des interventions qui modifient l’anatomie du tractus gastro-intestinal, diminuent l’apport calorique, et pour certaines d’entre elles modifient les sécrétions hormonales gastro-intestinales. Ces opérations sont classées en procédures restrictives ou en procédures malabsorptives bien que ces deux mécanismes puissent coexister pour une même intervention. Les chirurgies restrictives limitent la prise alimentaire en diminuant le volume du réservoir gastrique et en retardant sa vidange par la réduction du diamètre de sortie. Les chirurgies de malabsorption court-circuitent différentes portions du tube digestif pour diminuer l’absorption des éléments nutritifs.
Les données de la littérature ont démontré la supériorité de la chirurgie bariatrique sur le traitement nutritionnel conventionnel pour perdre du poids durablement, pour améliorer les comorbidités et la qualité de vie et même pour augmenter l’espérance de vie.
Indications et contre-indications de la chirurgie bariatrique
La chirurgie bariatrique s’adresse uniquement aux personnes souffrant d’obésité, sous certaines conditions. Elle est envisagée en cas d’échec des traitements médicaux conventionnels, incluant des modifications des habitudes alimentaires, la pratique d’activité physique et un soutien psychologique. Selon la Haute Autorité de Santé, la chirurgie bariatrique s’adresse :
- aux personnes dont l’indice de masse corporelle (IMC) est supérieur ou égal à 40 kg/m² ;
- à celles qui ont un IMC entre 35 et 40 kg/m² et qui souffrent d’une ou plusieurs maladies associées (comorbidités) ;
- ou encore aux patients qui ont un IMC compris entre 30 et 35 kg/m² et qui ont un diabète de type 2 dont la prise en charge n’a pas permis d’atteindre un taux de sucre équilibré dans le sang malgré les modifications du mode de vie (dont l’activité physique adaptée). Dans cette situation, on parle alors de « chirurgie métabolique ».
L’état de santé d’un patient doit être soigneusement évalué avant toute décision de chirurgie bariatrique. Il existe en effet des contre-indications. Les personnes souffrant de troubles psychiatriques non contrôlés (boulimie, hyperphagie boulimique), d’addictions à l’alcool ou aux drogues ou de troubles alimentaires sévères non stabilisés ne peuvent pas être candidats pour une chirurgie de l’obésité. Ceux souffrant de maladies cardiaques graves, de maladies pulmonaires chroniques ou encore d’insuffisance rénale doivent faire l’objet d’une évaluation approfondie, car ces pathologies augmentent les risques opératoires et les risques de complications après l’opération.
D’autres facteurs sont à prendre en compte pour évaluer l’éligibilité à la chirurgie bariatrique, tels que l’engagement du patient, ainsi que le support social et familial dont il bénéficie.
Les différentes techniques de chirurgie bariatrique
Il n’existe pas qu’une seule chirurgie bariatrique ; il en existe plusieurs types, les trois principaux étant l’anneau gastrique, très pratiqué avant les années 2000, beaucoup moins aujourd’hui, la gastrectomie en gouttière ou sleeve gastrectomie qui est le type de chirurgie le plus pratiqué en France depuis 2012 et enfin le court-circuit gastrique en Y ou bypass gastrique de Roux-en-Y (cf. figure 1).

Anneau gastrique
Ce type de chirurgie correspond à la mise en place d’un anneau gastrique ajustable en silicone autour de la partie proximale de l’estomac, créant ainsi une petite poche gastrique au-dessus de l’anneau. Aucune résection ou anastomose[1] digestive n’est nécessaire pour sa réalisation. Par contre, sa réalisation implique de laisser du matériel prothétique en situation intra-abdominale. Le diamètre de l’anneau est modulable par injection ou aspiration de sérum stérile et permet d’ajuster l’ouverture entre la poche gastrique et le reste de l’estomac.Si cette intervention présente le taux le plus bas de complication, c’est aussi celle pour laquelle la perte de poids est la plus faible. La technique de l’anneau gastrique est qualifiée de restrictive : elle permet de diminuer le volume de l’estomac et de ralentir le passage des aliments.
Sleeve gastrectomie ou gastrectomie longitudinale
La sleeve gastrectomie consiste en l’exérèse (ablation) verticale de 80 % environ de la partie gauche de l’estomac, laissant en place une poche gastrique longue et tubulaire. La gastrectomie en gouttière est restrictive avec une diminution conséquente du volume de l’estomac.
Cette intervention présente l’avantage de préserver le passage duodénal et de réduire le risque de carences nutritionnelles. L’exérèse de la partie gauche de l’estomac entraîne une modification de certaines hormones gastro-intestinales, comme la ghréline, ce qui modifie les sensations de faim des patients qui en bénéficient : concrètement une augmentation de la satiété et une diminution de la faim.
A court terme, les complications post-opératoires sont plus fréquentes que dans le cas de l’anneau gastrique. Il existe par ailleurs un risque important de reflux gastro-œsophagien à long terme (10 ans ou plus après l’opération).
Bypass gastrique
Le bypass gastrique repose sur deux principes : la réduction de la taille de l’estomac (restriction gastrique) associée à la diminution de l’assimilation des aliments par l’organisme (malabsorption) en raison d’un court-circuit d’une portion d’intestin grêle. Aucun organe n’est enlevé dans cette intervention chirurgicale qui comporte trois temps principaux. Le premier temps consiste en la création d’une petite poche gastrique à partir du cardia et qui est séparée complètement du reste de l’estomac. Le deuxième temps correspond à l’anastomose gastro-jéjunale entre la poche gastrique qui vient d’être réalisée et la partie distale de l’intestin grêle. La longueur de l’anse grêle montée (anse alimentaire) varie de 75 à 150 cm. Le dernier temps correspond à l’anastomose réalisée entre la partie distale de l’anse alimentaire et la partie proximale de l’intestin grêle.
En plus de la restriction et de la malabsorption, le bypass gastrique stimule la sécrétion de certaines incrétines comme le glucagon-like peptide 1 (GLP-1) qui améliore la sensibilité à l’insuline en augmentant la production d’insuline et/ou en diminuant la résistance à l’insuline.Le bypass gastrique constitue un type d’intervention de référence avec plus de 50 ans de recul. Il induit une perte de poids significative (environ 70 % de l’excès de poids à un an de la chirurgie). En raison de l’exclusion du duodénum et du grêle proximal, le court-circuit gastrique est associé à un risque non négligeable de carences en vitamines et en sels minéraux.
Quelle technique choisir ?
Le choix d’une procédure est conditionné d’abord au rapport bénéfice-risque en fonction des paramètres liés au patient et notamment de l’IMC et des comorbidités. L’anneau gastrique demeure la chirurgie la moins risquée à court terme avec le taux le plus important de réintervention. En comparaison avec la sleeve gastrectomie, le bypass gastrique présente environ deux fois plus de risques de complications précoces.
L’efficacité des chirurgies sur la perte de poids demeure difficile à comparer. La sleeve gastrectomie et le bypass gastrique semblent être équivalents pour la perte pondérale et la rémission du diabète de type 2. Elles sont supérieures à l’anneau gastrique.
Au-delà de ces trois techniques principales, il en existe d’autres, comme la dérivation biliopancréatique, qui est réservée aux patients avec un IMC supérieur ou égal à 50 kg/m² et/ou après échec d’une autre technique. Cette chirurgie permet de limiter la quantité d’aliments ingérés et l’assimilation de ces aliments par l’intestin.
Résultats et bénéfices attendus de la chirurgie bariatrique
Au-delà de la perte de poids, la chirurgie bariatrique entraîne une amélioration voire une rémission des principales comorbidités : diabète de type 2, hypertension artérielle, dyslipidémie, apnée du sommeil, amélioration de la qualité de vie, de la mobilité et de l’estime de soi et amélioration de la fertilité chez les femmes.
De nombreux facteurs influencent les résultats de la chirurgie bariatrique, en particulier le choix de la technique chirurgicale, l’âge, l’IMC initial, l’origine ethnique et la présence éventuelle de troubles du comportement alimentaire.
Suivi médical post-opératoire
Une approche pluridisciplinaire impliquant différents professionnels de santé est essentielle pour garantir une qualité de vie optimale aux patients ayant subi cette intervention : diététicien, psychologue, médecin et chirurgien. Spécifiquement, une prise en charge nutritionnelle après une chirurgie bariatrique est un enjeu majeur, car le risque de carences en vitamines et en oligo-éléments est largement décrit dans la littérature scientifique.
Les apports recommandés en protéines doivent être au minimum de 60 g/jour et idéalement au moins de 1,1 g de protéines/kg de poids idéal/jour. Si cet objectif n’est pas atteint, le recours à des compléments nutritionnels oraux ou protéiques peut s’avérer utile. Cet apport protéique doit être associé à la pratique régulière d’activité physique. L’objectif est de viser une activité d’endurance adaptée en fonction des capacités et de l’âge du patient, d’au moins 30 minutes, 5 jours par semaine, associée à une activité de renforcement musculaire 2 à 3 fois par semaine, pour éviter une fonte musculaire.Une supplémentation multivitaminique et en oligoéléments doit être suivie à vie en cas de bypass gastrique Roux en Y ou de dérivation biliopancréatique ; elle doit être d’un an minimum en cas de sleeve gastrectomie. Une attention toute particulière doit être portée aux carences en vitamines B1, B9, B12, D, A, E et K, en calcium, fer et zinc. A surveiller de près également les situations de dumping syndrome (sensation de malaise pouvant survenir après avoir mangé) et les hypoglycémies réactionnelles, dont les risques sont particulièrement élevés chez les patients ayant subi une chirurgie.
Références
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