Maladies neurodégénératives : mieux comprendre cet enjeu majeur de santé publique
Qu’est-ce qu’une maladie neurodégénérative ?
Les maladies neurodégénératives constituent un ensemble de pathologies ciblant le système nerveux, principalement le cerveau, à développement lent et irréversible. Il s’agit donc d’affections chroniques qui altèrent de façon progressive des fonctions essentielles, telles que la mémoire, la motricité, le langage ou la coordination.
En France, ce sont près de 1,5 million de personnes qui sont directement touchées par une maladie neurodégénérative. La maladie d’Alzheimer et maladies apparentées concernent plus de 1,1 million de personnes, la maladie de Parkinson et maladies apparentées touchent plus de 200 000 personnes, alors que 8 000 environ sont atteintes de la maladie de Charcot.
Caractéristiques et mécanismes biologiques communs des maladies neurodégénératives
Sur le plan physiopathologique, on retrouve dans tous les troubles neurocognitifs dégénératifs un dysfonctionnement synaptique et un mécanisme d’accumulation et d’agrégation de protéines mal conformées dans le tissu cérébral. Ces protéines impliquées sont physiologiquement présentes chez les personnes saines sous forme de monomères solubles. Elles vont subir, dans certaines circonstances pathologiques, un changement conformationnel entraînant leur agrégation en polymères insolubles. Ce changement conformationnel définit ce que l’on appelle une protéinopathie. Ces différentes lésions sont caractérisées lors d’un examen neuropathologique du tissu cérébral qui constitue toujours actuellement le critère diagnostique de certitude pour ces maladies.
Au-delà de l’agrégation protéique pathologique et de l’altération des synapses, un ensemble de caractéristiques a été proposé pour caractériser les maladies neurodégénératives, parmi lesquelles la mort des cellules nerveuses, l’inflammation, des anomalies du cytosquelette ou encore des défauts de l’ADN et de l’ARN (cf. figure 1).
Figure 1 : Caractéristiques des maladies neurodégénératives (d’après Wilson et al. 2023)
Panorama des maladies neurodégénératives
Maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est la première cause de troubles neurocognitifs dégénératifs et la quatrième cause de décès en France. L’augmentation mondiale du nombre de cas est en partie liée à l’augmentation de l’espérance de vie ; la maladie touche, de ce fait, plus de femmes que d’hommes. La maladie d’Alzheimer est rare avant 65 ans, sa prévalence augmente avec l’âge pour atteindre plus de 15 % de la population des plus de 80 ans.
La maladie d’Alzheimer est une maladie multifactorielle, donc complexe. Les formes précoces touchant l’adulte jeune sont rares et correspondent à deux sous-groupes : les formes sporadiques à début précoce et les formes familiales, très rares, représentant moins de 1 % des cas de maladie d’Alzheimer.
Le premier signe de la maladie d’Alzheimer est le plus souvent la perte de mémoire : la personne atteinte présente des troubles croissants de la mémoire des événements récents, tandis que les souvenirs anciens restent généralement bien préservés. Les symptômes qui vont ensuite survenir sont des difficultés toujours plus grandes pour accomplir les tâches du quotidien entraînant une perte d’autonomie : gestion des repas, de l’habillement, etc. Elles s’accompagnent petit à petit d’une perte de motivation à réaliser des activités et à sociabiliser. Parmi les autres symptômes qui apparaissent au cours du développement de la maladie, on peut citer des problèmes de langage, des difficultés cognitives, une perte du sens de l’orientation, une altération du jugement ou encore des modifications de l’humeur et des troubles du comportement.
Les troubles cognitifs et psycho-comportementaux associés à la maladie d’Alzheimer entraînent souvent un refus de s’alimenter augmentant le risque de dénutrition du patient. En phase terminale de la maladie, certaines complications peuvent survenir et provoquer le décès du patient, par exemple suite à une fausse route, un arrêt cardiaque ou une infection. Les troubles de la déglutition augmentent aussi le risque de développer une pneumonie.
Maladie de Parkinson
La maladie de Parkinson est la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente en France. Elle provoque une dégénérescence progressive des neurones à dopamine au niveau du cerveau. Les trois symptômes moteurs typiquement engendrés par cette mort cellulaire sont une akinésie (lenteur des mouvements), une hypertonie (rigidité excessive des muscles) et des tremblements. Cette pathologie représente une cause majeure de handicap chez les personnes âgées.
Sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot)
Elle se déclare le plus souvent entre les âges de 50 à 70 ans et conduit à une paralysie progressive puis au décès des patients en seulement deux à cinq ans. Elle est due à la mort des motoneurones, les cellules nerveuses qui contrôlent les muscles, à la fois dans le cerveau et dans la moelle épinière.
Maladie à corps de Lewy (ou démence à corps de Lewy)
Il s’agit de la deuxième cause de démence après la maladie d’Alzheimer. Cliniquement, elle associe des troubles cognitifs fluctuants, souvent précoces, à des hallucinations visuelles, des troubles moteurs de type parkinsonien et à une hypersensibilité aux neuroleptiques ou encore des troubles du sommeil. Le diagnostic de cette maladie neurodégénérative peut être difficile à réaliser en raison de ses symptômes proches de ceux de la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson.
Autres maladies neurodégénératives
Il existe de nombreuses autres maladies neurodégénératives. On peut citer la maladie de Huntington qui est rare et héréditaire et qui touche le système nerveux central, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la forme la plus fréquente des maladies à prions, la paralysie supranucléaire progressive qui fait partie des syndromes parkinsoniens atypiques et qui serait liée à des facteurs génétiques et environnementaux, ou encore l’atrophie corticale postérieure qui correspond à une détérioration d’une région du cerveau responsable du traitement des informations visuelles.
A noter que la sclérose en plaques est une maladie inflammatoire auto-immune du système nerveux central qui est parfois classée parmi les maladies neurodégénératives en raison de la lente dégénérescence neuronale qui la caractérise.
Facteurs de risque et prévention des maladies neurodégénératives
L’avancée en âge est le principal facteur de risques de la plupart des maladies neurodégénératives. Parmi les autres facteurs de risques, on peut citer principalement des prédispositions familiales (mutations de certains gènes), des facteurs environnementaux (exposition professionnelle à certains produits toxiques) et potentiellement certaines comorbidités. Par exemple, l’hypertension artérielle, le fait d’avoir subi un accident vasculaire cérébral ou encore des troubles du sommeil pourraient avoir un rôle dans l’apparition d’une maladie d’Alzheimer
Les mesures de prévention des maladies neurodégénératives sont principalement liées à l’adoption d’un mode de vie favorable à une bonne santé globale. Ainsi, manger de façon équilibrée, faire de l’exercice physique régulièrement, avoir un bon sommeil et exercer la fonction cognitive semblent être les meilleurs moyens de prévention connus aujourd’hui. Les liens sociaux apparaissent également comme un facteur protecteur de la maladie d’Alzheimer : en effet, garder des contacts sociaux fréquents tout au long de sa vie contribue à préserver le cerveau d’un déclin cognitif. Le tabagisme, une grande consommation d’alcool ou la sédentarité sont à proscrire, pour avoir une meilleure hygiène de vie et protéger les fonctions cognitives. Enfin, se protéger du stress permet d’éviter des taux élevés de cortisol et de prévenir le déclin cognitif.
Pistes thérapeutiques
Pour la plupart des maladies neurodégénératives, il n’existe pas de traitement. La prise en charge consiste principalement à ralentir la progression des symptômes afin de préserver le plus possible la qualité de vie des personnes atteintes. Les traitements pour la maladie d’Alzheimer par exemple ont pour objectif de ralentir le déclin cognitif en agissant sur les dépôts protéiques amyloïdes ou tau.
L’utilisation des potentiels futurs traitements nécessitera un diagnostic précoce et précis de la maladie par l’utilisation des biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer.
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