Cancer de la langue : définition, symptômes, diagnostic et traitement
Définition du cancer de la langue
Le cancer de la langue s’intègre dans le cadre plus général des cancers de la cavité buccale, eux-mêmes faisant partie de la catégorie des cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) : cancer de la gorge (cancer du pharynx ou cancer du larynx), des sinus, de la face et cancer de la bouche. Les cancers des VADS sont aussi appelés « cancers ORL » ou « cancers de la tête et du cou ». En France, pour l’année 2018, le nombre estimé de nouveaux cas de cancer de la cavité buccale était de 4 677 dont 3 106 chez les hommes et 1 571 chez les femmes.
La langue comprend deux parties : la langue mobile orale, et la base de la langue, oropharyngée (cf. figure 1). Les cancers de la langue mobile correspondent à 20 – 30 % des cancers de la cavité buccale. Les cancers de la base de la langue sont plus rares et plus difficiles à diagnostiquer. Dans 95 % des cas, la tumeur responsable du cancer de la langue est un carcinome épidermoïde, c’est-à-dire un carcinome qui se développe à partir des cellules de la couche supérieure de la muqueuse buccale : l’épithélium pavimenteux. La tumeur peut se développer au niveau de la face supérieure de la langue, latéralement, ou sur sa face inférieure.
Le carcinome épidermoïde de la cavité orale est le 17e cancer le plus fréquent dans le monde.

Quels sont les symptômes du cancer de la langue ?
Les symptômes de début d’un cancer de la langue peuvent être insignifiants, aussi le délai de diagnostic est souvent long. Ceci explique que la moitié des malades présentent une tumeur déjà évoluée au moment du diagnostic.
Une leucoplasie peut être le signe d’un stade précancéreux. Il s’agit de la formation d’une zone anormalement blanche ou grise (plaque) et plus ou moins granuleuse sur la langue. Il est toutefois important de noter qu’une leucoplasie n’est pas forcément synonyme de cancer : de nombreuses leucoplasies sont prises en charge et ne se transforment jamais en cancer de la langue.
Aux premiers stades du cancer de la langue, les signes cliniques ou symptômes possibles sont des taches blanches ou rougeâtres, une plaie persistante, une sensation de corps étranger, de piqûres, de brûlure ou d’engourdissement, des saignements sans lésion de la muqueuse, un excès de salivation ou encore une diminution de la sensibilité ou une mauvaise haleine.
A un stade avancé, d’autres symptômes peuvent apparaître, tels qu’une ulcération avec un bourgeon périphérique, qui ne cicatrise pas et qui saigne facilement, une douleur qui a tendance à irradier vers l’oreille (otalgie unilatérale), des maux de gorge, une gêne à la mobilité de la langue (ankyloglossie) ou encore une gêne fonctionnelle lors de la mastication, de la déglutition (dysphagie), de la salivation ou de la parole (dysphonie).
L’apparition de ganglions lymphatiques enflés au niveau cervical peut indiquer une propagation locale du cancer.
Ces symptômes localisés peuvent être accompagnés de signes plus généraux : fatigue, perte d’appétit, perte de poids, poussées de fièvre ou encore sueurs nocturnes.
Causes / facteurs de risque des cancers de la langue
Comme pour les autres cancers de la tête et du cou, les principaux facteurs de risque du cancer de la langue sont la consommation de tabac et la consommation d’alcool. Plus les quantités de tabac et d’alcool consommées sont importantes, plus le risque est élevé. On estime que 90 % des patients atteints d’un cancer de la langue sont des fumeurs et 75 % sont des consommateurs d’alcool. Il est important de prendre en compte le fait que les risques concernant le tabac et l’alcool sont multiplicatifs, aussi, une personne qui est à la fois fumeuse et consommatrice d’alcool voit son risque de développer un cancer de la langue démultiplié. Tabac et alcool agissent donc de manière synergique sur le risque de cancer de la langue. A noter aussi qu’après 20 ans d’arrêt du tabac le risque n’est plus significativement différent des personnes non-fumeuses.
La présence de lésions à potentiel malin ou lésions précancéreuses est un autre facteur de risque du cancer de la langue. L’Organisation Mondiale de la Santé définit les lésions précancéreuses comme étant un tissu morphologiquement altéré au sein duquel un cancer apparaît plus souvent que dans le tissu normal. Il peut s’agir d’une leucoplasie (plaque blanche) dont le taux de transformation maligne est plus important en cas de leucoplasie non homogène. Le lichen plan buccal qui est une dermatose inflammatoire chronique d’étiologie inconnue présente par exemple un risque de transformation maligne estimé à 1 %.
L’infection au papillomavirus humain (virus HPV) est également suspectée d’augmenter le risque de survenue d’un cancer de la cavité orale.
Plusieurs études ont aussi mis en avant le fait que l’alimentation pouvait avoir un rôle dans le développement des cancers de la cavité buccale. En particulier, une alimentation pauvre en fruits et légumes pourrait augmenter le risque. Une étude récente menée auprès de femmes uniquement suggère par ailleurs un lien entre la consommation de boissons sucrées et le développement des cancers de la bouche, y compris les cancers de la langue. Le risque de cancer de la bouche serait près de 5 fois plus élevé pour les femmes qui consomment au moins 1 boisson sucrée par jour, en comparaison avec celles qui en consomment moins d’une fois par mois, même si le risque initial est faible.
Enfin, une mauvaise hygiène buccale / un mauvais état bucco-dentaire seraient aussi favorables au développement d’un cancer de la langue et plus globalement d’un cancer de la sphère ORL.
Dépistage et diagnostic de la maladie
L’âge médian du diagnostic des carcinomes épidermoïdes de la cavité orale était, en 2018, de 62 ans chez les hommes et 66 ans chez les femmes. Le diagnostic d’un cancer de la langue est souvent initié par une consultation chez un médecin, suite à un symptôme persistant au niveau de la langue ou de la bouche : douleur, plaie, tache, etc. Il peut aussi être détecté au cours d’une consultation chez un dentiste.
Ce diagnostic consiste en un examen clinique minutieux par le médecin ainsi qu’une anamnèse pour évaluer les différents symptômes, les facteurs de risque associés au patient ainsi que son état général de santé.Le prélèvement de morceaux de tissus (biopsie) et leur examen microscopique permettent ensuite de confirmer le diagnostic du cancer de la langue. D’autres examens d’imagerie médicale peuvent s’avérer nécessaires : scanner cervical, IRM et éventuellement une panendoscopie nécessitant une anesthésie générale. Cette dernière permet d’observer l’ensemble des voies aérodigestives supérieures, à savoir le pharynx, le larynx, le début de l’œsophage et la trachée. Ces examens permettront de déterminer avec précision l’ampleur du cancer de la langue et de vérifier l’éventuelle extension aux structures proches, ainsi que la présence de métastases à distance.
Quelle prise en charge et quels traitements ?
La prise en charge du cancer de la langue s’appuie sur les modalités thérapeutiques classiques en oncologie : la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Le choix du traitement dépend de l’avancement de la maladie, de sa localisation, de l’état de santé général du patient, de son âge et de ses antécédents médicaux. Avant tout traitement du cancer de la langue, il est nécessaire d’effectuer les soins dentaires appropriés pour limiter les risques de complications ultérieures.
Le traitement de référence est la chirurgie qui consiste en l’ablation de la tumeur, incluant une marge de 5 mm de cellules saines autour des cellules malignes. Cette intervention chirurgicale est plus complexe dans les cas où les cellules tumorales sont situées sur la partie arrière de la langue. En cas d’ablation d’une partie importante de la langue, il peut y avoir des impacts délétères sur les différentes fonctions de la langue : parole, mastication ou déglutition. Aussi, une reconstruction de la langue peut s’avérer nécessaire afin de lui redonner sa forme initiale.
La radiothérapie peut être administrée seule ou associée à une chirurgie. Il existe différentes techniques de radiothérapie : il peut s’agir de radiothérapie externe (irradiation depuis l’extérieur) ou interne, on parle alors de curiethérapie. Dans ce cas, la source de radiothérapie est mise directement au contact de la tumeur. La radiothérapie peut être associée à des thérapies ciblées (prise de médicaments anticancéreux).
La chimiothérapie est rarement utilisée seule en cas de cancer de la langue, sauf pour les stades avancés.
L’objectif de la prise en charge du cancer de la langue va être l’élimination des cellules cancéreuses, mais aussi la préservation des différentes fonctions de la langue ainsi que la limitation des effets secondaires des traitements.
Évolution / chances de guérison
Le taux de survie à 5 ans pour les cancers de la langue varie en fonction du stade au moment du diagnostic, de la localisation exacte (partie mobile de la langue vs base de la langue), et d’autres facteurs comme l’atteinte ganglionnaire ou les métastases. Lorsque c’est la base de la langue qui est atteinte par la maladie, le pronostic est généralement moins favorable que lorsque le cancer se situe sur la partie mobile. Ce taux de survie à 5 ans peut être supérieur à 80 % pour les cancers de la langue détectés à un stade précoce (tumeurs localisées et de taille réduite) ; il peut aussi être inférieur à 40 ou 20 % pour les stades les plus avancés.
Suivi
De nombreux défis peuvent se présenter aux patients pris en charge dans le cadre d’un cancer de la langue. La parole pouvant être affectée, il peut être nécessaire de mettre en place un suivi orthophonique pour aider ces personnes à retrouver la parole. Par ailleurs, l’alimentation peut aussi être perturbée, par des modifications des goûts (liées à l’élimination de bourgeons gustatifs), par des troubles de la fonction de déglutition ou encore par des sensations de bouche sèche.Comme c’est le cas pour les différents types de cancer, une surveillance spécifique et rigoureuse doit par ailleurs être mise en place sur plusieurs années, pour détecter le plus tôt possible les éventuelles récidives locales ou à distance.
Prévention du cancer de la gorge
Pour prévenir le développement d’un cancer des voies aérodigestives supérieures et plus spécifiquement d’un cancer de la langue ou de tout autre cancer de la cavité buccale, la mesure prioritaire consiste en une bonne hygiène de vie qui passe par l’élimination des facteurs de risque principaux : la consommation de tabac et celle d’alcool.
Par ailleurs, le suivi d’une alimentation variée et équilibrée, ainsi qu’une bonne hygiène bucco-dentaire sont essentiels.
Enfin, le cancer de la langue étant fréquemment détecté au cours d’une consultation médicale ou dentaire, il est primordial de régulièrement consulter un médecin et prendre rendez-vous chez le dentiste qui pourront procéder à des examens de contrôle réguliers.
L’adoption d’un mode de vie sain est aussi importante pour diminuer les risques de récidive.
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