Cancers de la gorge : de quoi parle-t-on ?
Qu’est-ce qu’un cancer de la gorge ?
Le cancer de la gorge correspond à la présence d’une tumeur maligne au niveau de la gorge, soit au niveau du pharynx, soit au niveau du larynx. En effet, ce qu’on appelle gorge, dans le langage courant, correspond en fait à deux structures (cf. figure 1) :
- le pharynx qui est un tube musculaire creux composé de trois parties : le nasopharynx (partie supérieure du pharynx, relié au nez), l’oropharynx (partie centrale) et l’hypopharynx (partie inférieure du pharynx qui descend jusqu’à l’extrémité supérieure de l’œsophage). Le pharynx est impliqué dans la fonction de déglutition (l’oropharynx est la voie de passage de la nourriture entre la bouche et l’œsophage), dans la fonction de respiration (l’air passe du nez au larynx en passant par le pharynx), ainsi que dans la fonction de phonation.
- le larynx est situé en avant de l’œsophage ; il relie le pharynx à la trachée, qui mène aux poumons. Le larynx est aussi constitué de trois parties : la glotte (partie centrale qui contient les cordes vocales), l’étage sus-glottique (avec l’épiglotte) et l’étage sous-glottique (partie basse située avant la trachée. Le larynx, comme le pharynx joue un rôle dans la respiration (il permet à l’air d’arriver aux poumons), dans la déglutition (il participe à l’avancée des aliments de la bouche à l’œsophage) et dans la phonation (il permet la production des sons par la vibration des cordes vocales).

Les cancers de la gorge font partie des cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) qui regroupent l’ensemble des cancers de la bouche, cancer du pharynx, cancer du larynx, des sinus et de la face. On les appelle aussi « cancers ORL » ou encore « cancers de la tête et du cou ». Dans cette catégorie de cancers, il existe plus de 30 localisations différentes au sein desquelles une tumeur peut se développer (langue, lèvres, etc.).
L’incidence des cancers de la gorge est nettement supérieure chez les hommes que chez les femmes. En 2018, en France, l’incidence du cancer du larynx était de plus de 2700 nouveaux cas chez les hommes vs 400 chez les femmes. Ce déséquilibre se retrouve aussi pour les cancers du pharynx (hypopharynx : 1800 vs 280 ; oropharynx : 3800 vs 1200 et nasopharynx : 240 vs 85).
Symptômes du cancer de la gorge
Les symptômes du cancer de la gorge ne sont pas spécifiques à cette pathologie (mal de gorge par exemple). C’est la persistance des symptômes dans le temps qui doit alerter et inciter à consulter. Concrètement, ces symptômes sont localisés au niveau de la gorge, mais ils peuvent être accompagnés de signes plus généraux, tels qu’une fatigue, des maux de tête ou une perte de poids involontaire.Ces principaux symptômes / signes localisés peuvent être :
- des douleurs au niveau de la gorge ;
- des troubles ou douleurs au moment de la déglutition / difficulté à avaler ;
- une modification de la voix (enrouement ou voix étouffée) qui dure plus de 3 semaines ;
- des difficultés respiratoires ;
- une toux persistante ;
- des crachats contenant du sang ;
- une douleur irradiante au niveau de la mâchoire ou de l’oreille ;
- une plaie ou des lésions au fond de la gorge ;
- une grosseur au niveau du cou ou de la gorge
Quels sont les causes / facteurs de risques ?
Le fait d’être un homme âgé entre 50 et 70 ans et de présenter des antécédents familiaux de cancer des VADS augmente significativement le risque de développer un cancer de la gorge.
Les principaux facteurs de risque modifiables des cancers de la gorge sont le tabagisme et la consommation chronique d’alcool. Plus la consommation de tabac augmente, plus le risque de cancer augmente. Le risque de cancer du larynx peut être multiplié par 25 chez certains fumeurs. De la même façon, ce risque peut être multiplié par 2 à 6 en raison de la consommation d’alcool. Le fait d’être à la fois fumeur et buveur d’alcool multiplie le risque d’apparition d’un cancer de la gorge.
Une infection à Papillomavirus (HPV) est aussi un facteur de risque de cancer de la gorge : en particulier, 30 à 50 % des cancers de l’oropharynx seraient associés à cette infection.
Parmi les autres facteurs de risque, on peut citer le reflux gastro-œsophagien, l’exposition à l’amiante ou d’autres risques professionnels tels que l’inhalation chronique de particules de bois ou de vapeurs de peintures.
Comment dépister et diagnostiquer le cancer de la gorge ?
Il n’existe pas de dépistage systématique des cancers de la gorge ni d’aucun cancer des voies aéro-digestives supérieures. En cas de symptômes persistants, une consultation chez un médecin spécialiste, oto-rhino-laryngologue, est nécessaire. Le médecin procèdera à un examen clinique des voies aérodigestives supérieures et, si nécessaire, à une nasofibroscopie pour observer les muqueuses et les possibles lésions. En cas de lésion observée, une endoscopie des VADS peut être réalisée sous anesthésie générale. Cet examen qui relève de l’imagerie médicale permet d’observer parfaitement les différents organes et, si nécessaire, de réaliser un prélèvement de tissu ou biopsie. L’analyse de ces échantillons prélevés permet d’infirmer ou de confirmer le diagnostic de cancer.
Lorsque le diagnostic du cancer est posé, le patient doit réaliser un bilan d’extension par le biais d’un scanner ou d’IRM afin de vérifier la présence de tumeurs synchrones.
Stades et évolution de la maladie
Pour déterminer le stade du cancer, on utilise la classification TNM :
- T correspond aux caractéristiques de la tumeur initiale ; la classification va de T1 à T4 en fonction de sa taille et de son éventuelle extension aux structures voisines ;
- N correspond à l’atteinte des ganglions lymphatiques par les cellules cancéreuses (N0 à N3) ;
- M correspond à l’absence (M0) ou à la présence (M1) de métastases, quel que soit leur siège, unique ou multiple.
En pratique, si on prend le cas du cancer du larynx, le stade I correspond à un cancer qui est localisé au larynx et qui ne s’est pas étendu à d’autres zones corporelles ou aux ganglions lymphatiques voisins. Le stade II va dépendre de la zone exacte d’initiation de la tumeur. Par exemple, si le cancer a commencé dans la glotte, le stade II correspond à une étendue au niveau de l’étage sus-glottique. Le stade III est défini par exemple par une tumeur étendue à un ganglion lymphatique voisin. Enfin, dans le stade IV, le cancer s’est étendu aux tissus avoisinants ou à d’autres parties du corps.
Quels sont les différents types de traitements du cancer
Le type de traitement dépend des types de cancer, du stade de la maladie et de l’état de santé général du patient. Le choix du traitement est toujours discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) : il s’agit d’une réunion qui regroupe des médecins / professionnels de santé de différentes disciplines et dont les compétences sont indispensables pour prendre une décision accordant aux patients la meilleure prise en charge en fonction de l’état de la science. La présence du médecin traitant du patient en RCP est sollicitée, mais n’est pas obligatoire.
Aux stades les moins avancés, le choix s’effectue généralement entre la chirurgie exclusive, non mutilante et la radiothérapie exclusive. Dans le cas du cancer du larynx, ces options permettent de laisser intacte la fonction laryngée : respiration ou parole.
Pour un stade avancé, les stratégies sont plus lourdes, l’objectif étant toujours d’essayer de conserver les organes afin d’avoir le moins d’impacts délétères sur la qualité de vie du patient. Ainsi, les associations radiothérapie + chimiothérapie ou chirurgie + radiothérapie + chimiothérapie peuvent être envisagées.
Pour les cas de cancer les plus graves, lorsque l’ampleur de la tumeur est trop importante, il n’est plus possible de conserver les organes ; il faudra alors passer par une chirurgie lourde suivie d’une association entre radiothérapie et chimiothérapie.
Les traitements pour le cancer de la gorge peuvent provoquer des effets secondaires : vomissements, nausées, douleurs, saignements, infections, etc. Ils peuvent aussi avoir des conséquences, parfois lourdes, sur la qualité de vie. Aussi, des soins de soutien peuvent s’avérer nécessaires pour surmonter tous les impacts du traitement du cancer : troubles de la parole, de la déglutition, modifications du goût et de l’odorat, dégradation de l’image corporelle et de l’estime de soi, etc.
Suivi des cancers de la gorge / espérance de vie
Une surveillance s’avère indispensable après le traitement du cancer de la gorge. Il s’agit principalement de consultations ORL qui vont s’espacer au fil du temps : tous les 2 mois la première année, jusqu’à tous les 6 mois après 5 années. Une imagerie est aussi réalisée une fois par an.
Le pronostic d’un cancer de la gorge dépend principalement du type de cancer (localisation) ainsi que du stade auquel il a été diagnostiqué et pris en charge. Plus la maladie est détectée à un stade précoce, plus le taux de survie augmente. A noter que, chez les patients les plus jeunes, le taux de survie est aussi amélioré.
Par exemple, dans le cas d’un cancer du larynx, le taux de survie à 5 ans était de près de 60 % pour les patients diagnostiqués entre 2010 et 2015. Ce chiffre s’élève à 26 % dans le cas des cancers de l’hypopharynx.
Prévention du cancer de la gorge
Pour diminuer les risques d’apparition d’un cancer de la gorge, il est recommandé d’adopter des comportements préventifs, notamment vis-à-vis des deux principaux facteurs de risque : tabac et alcool. Concrètement, il s’agit de ne pas fumer et d’éviter l’exposition à la fumée du tabac, de limiter sa consommation d’alcool, mais également de manger de la façon la plus saine et équilibrée afin de préserver sa santé globale, de se protéger des substances favorisant le cancer (exposition professionnelle ou autre) et enfin de se faire vacciner contre le papillomavirus humain.
Références
Awan, K.H., Hegde, R., Cheever, V.J., Carroll, W., Khan, S., Patil, S., Warnakulasuriya, S., 2018. Oral and pharyngeal cancer risk associated with occupational carcinogenic substances: Systematic review. Head Neck 40, 2724–2732. https://doi.org/10.1002/hed.25486
Babin, E., Grandazzi, G., van der Schueren, M., 2017. Cancer des VADS et comportements à risque. Oncologie 11, 233–237. https://doi.org/10.1007/s11839-017-0634-x
Bara, S., Lapôtre-Ledoux, B., Velten, M., Lecoffre, C., de Brauer, C., Coureau, G., Mounier, M., Trétarre, B., 2021. Survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine 1989-2018 – Larynx.
Cheng, J.T., Ramos Emos, M., Leite, V., Capozzi, L., Woodrow, L.E., Gutierrez, C., Ngo-Huang, A., Krause, K.J., Parke, S.C., Langelier, D.M., 2024. Rehabilitation Interventions in Head and Neck Cancer: A Scoping Review. American Journal of Physical Medicine & Rehabilitation 103, S62. https://doi.org/10.1097/PHM.0000000000002384
Echanique, K.A., Evans, L.K., Han, A.Y., Chhetri, D.K., John, M.A.S., 2021. Cancer of the Larynx and Hypopharynx. Hematology/Oncology Clinics 35, 933–947. https://doi.org/10.1016/j.hoc.2021.05.005
Fondation pour la Recherche Contre le Cancer, 2017. Les cancers des voies aérodigestives supérieures. Collection Comprendre et Agir.
Garneau, J.C., Bakst, R.L., Miles, B.A., 2018. Hypopharyngeal cancer: A state of the art review. Oral Oncology 86, 244–250. https://doi.org/10.1016/j.oraloncology.2018.09.025
Huang, A., Wu, X., Song, J., Wang, Y.-T., Yao, Y., Liu, Z., Wang, H., 2022. Global trend and risk factors of the disease burden for pharynx and larynx cancers between 1990 and 2019: a systematic analysis of the global burden of disease study 2019. BMC Public Health 22, 2192. https://doi.org/10.1186/s12889-022-14654-z
Lapôtre-Ledoux, B., Bara, S., Velten, M., Lecoffre, C., Lafay, L., Coureau, G., Mounier, M., Trétarre, B., 2021. Survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine 1989-2018 – Hypopharynx.
Liberale, C., Soloperto, D., Marchioni, A., Monzani, D., Sacchetto, L., 2023. Updates on Larynx Cancer: Risk Factors and Oncogenesis. International Journal of Molecular Sciences 24, 12913. https://doi.org/10.3390/ijms241612913
Mehanna, H., Paleri, V., West, C. m. l., Nutting, C., 2011. Head and neck cancer—Part 1: Epidemiology, presentation, and preservation. Clinical Otolaryngology 36, 65–68. https://doi.org/10.1111/j.1749-4486.2010.02231.x
Mody, M.D., Rocco, J.W., Yom, S.S., Haddad, R.I., Saba, N.F., 2021. Head and neck cancer. The Lancet 398, 2289–2299. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)01550-6
PDQ Screening and Prevention Editorial Board, 2002. Oral Cavity, Oropharyngeal, Hypopharyngeal, and Laryngeal Cancers Prevention (PDQ®): Health Professional Version, in: PDQ Cancer Information Summaries. National Cancer Institute (US).
cette semaine