Alimentation liquide : une solution nutritionnelle adaptée à des situations spécifiques
Qu’est-ce que l’alimentation liquide ?
L’alimentation liquide ou régime liquide désigne un mode de nutrition basé exclusivement sur la consommation d’aliments liquides ou à texture fluide. Elle exclut donc les aliments solides, durs ou fibreux qui nécessitent des efforts masticatoires et digestifs importants.
Il ne s’agit pas d’un « régime » au sens amaigrissant du terme, mais d’une approche thérapeutique temporaire, destinée à répondre à des besoins médicaux spécifiques : faciliter la digestion, éviter les complications mécaniques (fausse route par exemple), ou aider à la cicatrisation après une opération chirurgicale. L’alimentation liquide permet donc de maintenir un apport énergétique minimal et de préserver l’hydratation d’un patient, tout en protégeant les structures digestives et en évitant les complications liées à la digestion.
On distingue principalement deux types de régimes liquides :
– Le régime liquide clair (clear liquid diet) qui est constitué uniquement de liquides transparents, « à travers lesquels on peut voir ». Ce type d’alimentation est utilisé uniquement sur du très court terme (le plus souvent de un à trois jours). Il contient par exemple les liquides suivants :
o de l’eau ;
o des jus de fruits dilués (sans pulpe) ;
o des bouillons clairs (sans gras) ;
o du thé léger ou des infusions (sans lait).
– Le régime liquide strict ou complet (full liquid diet) qui est moins restrictif et plus nourrissant. Il peut en effet inclure une variété plus large d’aliments, tels que :
o des soupes mixées ;
o du lait et de jus végétaux ;
o des smoothies ;
o des boissons protéinées ou d’autres compléments nutritionnels liquides.
Dans quelles situations recourir à une alimentation liquide ?
Période périopératoire
La principale indication du régime liquide est la période périopératoire qui comprend la préparation de la chirurgie (période préopératoire), ainsi que la prise en charge postopératoire. L’objectif est alors de réduire le stress digestif, de favoriser la reprise du transit et d’éviter les complications postopératoires. Parmi les chirurgies concernées, on peut citer la chirurgie bariatrique (ou chirurgie de l’obésité), les chirurgies de la bouche, de la gorge ou de l’œsophage, la gastrectomie (qui consiste à enlever une partie ou la totalité de l’estomac, par exemple dans le cas d’un cancer de l’estomac), la résection intestinale ou encore la pose d’une sonde de gastrostomie.
Même si chaque type de chirurgie et chaque situation personnelle requièrent des indications différentes, un protocole typique consiste en un processus en 4 étapes :
1. suivi d’un régime liquide clair ;
2. suivi d’un régime liquide complet ;
3. suivi d’un régime de type mixé ;
4. reprise d’une alimentation normale.
Préparation à des examens médicaux
Avant certains examens diagnostiques, comme une coloscopie, une imagerie digestive ou un acte endoscopique, l’intestin doit être vidé et exempt de résidus alimentaires. Un régime liquide clair peut être alors prescrit avant l’examen afin de permettre une bonne visibilité.
Troubles de la déglutition
En cas de dysphagie (difficulté à avaler certains aliments), il peut être nécessaire, en fonction de la gravité, d’adapter les textures des repas des patients. L’échelle IDDSI (International Dysphagia Diet Standardisation Initiative) est la référence pour la classification des textures des aliments (5 niveaux de texture, allant de purée fluide à normal) et des boissons (5 niveaux allant de liquide à très épais) (cf. figure 1).
Figure 1 : Représentation schématique de l’échelle des textures IDDSI (d’après Cichero et al. 2017).
Problème bucco-dentaire
L’alimentation liquide est parfois la seule alternative en cas de pathologie bucco-dentaire empêchant l’ingestion d’aliments solides. Par exemple, les personnes atteintes de mucite orale (inflammation de la muqueuse orale, souvent conséquente à un traitement anticancéreux) peuvent se voir dans l’obligation de s’alimenter uniquement avec des liquides. Lorsque la pathologie s’aggrave, l’alimentation orale peut alors devenir impossible, obligeant la mise en place d’une alimentation entérale ou parentérale.
Affections digestives
Une affection digestive aiguë ou une pathologie chronique telle que la rectocolite hémorragique peut parfois nécessiter le suivi d’une diète liquide en cas de crise sévère. L’alimentation liquide, en reposant le système digestif, permet en effet une diminution des symptômes digestifs. La réintroduction des aliments solides doit ensuite se faire de façon progressive.
Chez un patient souffrant de diverticulite, pouvant s’hydrater oralement et ne présentant pas de comorbidité importante, une diète liquide associée à des antibiotiques peut être proposée, souvent en cas de première poussée de diverticulite.
Dénutrition
Dans le cadre du traitement de la dénutrition, la prise de suppléments liquides ou de repas liquides peut être bénéfique chez les patients qui ont des difficultés à digérer les aliments solides. Elle peut aider à maintenir ou améliorer leur statut nutritionnel.
Problématiques et risques associés à l’alimentation liquide
Bien qu’il soit parfois indispensable, le suivi d’un régime alimentaire modifié y compris le régime liquide complet peut avoir des conséquences néfastes s’il se prolonge dans le temps.
L’alimentation liquide présente une densité nutritionnelle moins élevée que l’alimentation solide, notamment lorsqu’elle ne repose que sur des bouillons, des jus filtrés et des liquides clairs. Aussi, plusieurs carences nutritionnelles peuvent apparaître en cas de suivi prolongé. Les risques principaux sont les carences en protéines (qui peuvent entraîner une fonte musculaire et/ou une fatigue), en différents micronutriments (vitamines B, D, et C, fer, calcium, zinc ou magnésium) ou encore en fibres.
Le manque de fibres peut aussi avoir des conséquences digestives délétères, telles que des inconforts digestifs, des ballonnements ou encore des constipations. Si la reprise de l’alimentation normale est retardée, l’ajout de fibres solubles à l’alimentation peut être envisagé.
L’absence d’aliments solides dans l’alimentation peut par ailleurs entraîner une lassitude alimentaire au bout de quelques jours. Si la période de régime liquide se prolonge, la monotonie des goûts et des textures peut engendrer une perte d’appétit, voire une aversion alimentaire, un rejet psychologique de certains produits ou encore une fatigue sensorielle. Ces altérations du goût et de l’appétit sont à surveiller de près afin que l’efficacité du traitement ne soit pas altérée.
Un exemple concret d’utilisation de l’alimentation liquide : le cas de la chirurgie bariatrique
Le processus de réalimentation suite à une chirurgie de l’obésité (sleeve gastrectomie par exemple) suit quatre étapes essentielles :
1. Pendant la phase de cicatrisation de l’estomac, il est nécessaire d’adopter une alimentation liquide tiède d’une durée de 2 semaines environ. Les aliments doivent être hyper mixés pour obtenir une texture liquide : bouillons clairs, potages de légumes, laitages liquides allégés, compotes de fruits dilués avec du jus de fruit, etc. Chaque prise alimentaire ne pouvant pas dépasser 150 ml au début, puis 300 ml environ, il est indispensable de fractionner son alimentation de façon à atteindre 5 ou 6 prises par jour. Dès la 2e semaine, il peut être possible de réintroduire des laitages natures ou encore des purées de fruits sans sucre ajouté. L’objectif de cette phase liquide est de permettre au système digestif de s’adapter progressivement, sans provoquer d’inconfort digestif.
2. Pendant les 2 semaines suivantes, l’objectif est de passer à une alimentation mixée fractionnée tiède, en introduisant progressivement de la viande ou du poisson mouliné, de la purée de légumes ou de pommes de terre. Il est recommandé de prendre ses repas lentement en respectant bien les signaux de faim et de satiété pour éviter les douleurs gastriques.
3. A partir de la 5e semaine, la texture de l’alimentation peut devenir tendre, en morceaux, tout en restant fractionnée. La réintroduction des aliments doit se faire les uns après les autres pour tester sa tolérance digestive (légumes bien cuits, poissons et viandes tendres, etc.).
4. C’est généralement à partir de la 7e semaine que l’alimentation peut se normaliser petit à petit, en introduisant progressivement et en petite quantité des aliments plus riches en fibres et plus difficiles à mastiquer.
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