Achalasie : définition, causes, symptômes et options thérapeutiques
Définition de l’achalasie
L’achalasie (du grec « khalasis » dont la traduction est « relaxation ») est une maladie rare (mais particulièrement invalidante) de la motricité œsophagienne. Anciennement nommée méga-œsophage idiopathique, cette pathologie se caractérise par une incapacité du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO) à se relâcher de manière adéquate pendant la déglutition et par l’absence de péristaltisme œsophagien.
L’achalasie peut affecter autant les femmes que les hommes, à tous âges, avec un pic d’incidence entre 40 et 60 ans. L’incidence annuelle est estimée entre 1,07 et 2,2 cas pour 100 000 habitants et la prévalence entre 10 et 16 pour 100 00 habitants. Par ailleurs, il ne semble pas y avoir de prédisposition ethnique à la maladie.
Les causes de l’achalasie
Les causes de ce trouble moteur de l’œsophage rare restent aujourd’hui inconnues. L’hypothèse la plus couramment retenue est celle d’une atteinte des neurones inhibiteurs de la paroi œsophagienne, impliqués dans le bon déroulement du péristaltisme œsophagien et la relaxation du sphincter œsophagien inférieur lors des déglutitions.
L’étiologie de cette perte de l’innervation inhibitrice du plexus myentérique (encore appelé plexus d’Auerbach), réseau nerveux qui se situe entre les couches musculaires circulaire et longitudinale et qui régule la contraction des muscles lisses pour garantir le péristaltisme, n’est pas connue. Des études épidémiologiques récentes suggèrent des liens possibles entre l’achalasie et :
- des maladies auto-immunes. Les patients atteints d’une achalasie sont en effet plus susceptibles d’avoir une maladie auto-immune, avec une prévalence plus élevée d’auto-anticorps neuronaux par comparaison avec le reste de la population.
- des infections virales. Plusieurs études ont suggéré une association possible entre des infections virales et l’achalasie, notamment la rougeole et le virus varicelle-zona. Cependant, des études ultérieures n’ont pas retrouvé cette association. Aussi, l’infection ne peut pas être considérée comme une cause certaine de l’achalasie œsophagienne.
- des facteurs génétiques. L’existence de rares cas familiaux, observés principalement en population pédiatrique, peut suggérer une part héréditaire dans l’achalasie. La rareté de ces cas semble cependant montrer que l’héritage génétique n’est pas un facteur étiologique significatif dans la plupart des cas, il pourrait plutôt représenter un facteur de risque. A noter que l’achalasie est aussi présente dans certaines maladies génétiques comme le très rare syndrome d’Allgrove. Sa prévalence en cas de trisomie 21 est également plus élevée.
Rarement, l’achalasie peut résulter d’un cancer de l’œsophage, affectant sa contraction ou détruisant son plexus nerveux. Enfin, la maladie de Chagas, une infection parasitaire fréquente en Amérique centrale et du Sud, peut aussi provoquer des symptômes similaires.
Quels sont les symptômes de l’achalasie ?
L’achalasie se manifeste principalement par une dysphagie, du fait de l’atteinte du péristaltisme, des régurgitations, des douleurs rétrosternales, et/ou une perte de poids.
La dysphagie est définie par une sensation de gêne ou d’obstacle à la progression du bol alimentaire survenant au cours de la déglutition. Dans l’achalasie, la dysphagie est classiquement intermittente, surtout en début d’évolution de la maladie. La dysphagie est présente dans plus de 90% des cas ; elle peut concerner les solides et les liquides, mais elle est classiquement prédominante pour les liquides (on parle alors de dysphagie paradoxale).
Les régurgitations sont, dans l’achalasie, des remontées passives du contenu de l’œsophage jusqu’au niveau pharyngé, survenant sans effort de vomissement et sans nausée. Elles sont composées de salive ou d’aliments non digérés. Entre 75 et 90 % des patients présentent ce symptôme. L’achalasie est une maladie chronique qui débute souvent de façon graduelle. Plus la maladie avance, plus le volume des aliments bloqués est grand et plus les renvois sont fréquents et importants.
Les douleurs rétrosternales sont observées chez 25 à 65 % des patients atteints d’achalasie. La douleur peut diminuer avec le temps, mais l’achalasie reste.
La perte de poids n’est pas observée chez tous les patients. Des études récentes soulignent le fait que 35 à 50 % des personnes souffrant d’achalasie présentent une perte de poids significative.
Parmi les autres symptômes de l’achalasie, on peut relever les brûlures d’estomac, la toux (principalement la nuit), ou encore le hoquet fréquent.
Comment poser le diagnostic de l’achalasie ?
Le diagnostic clinique de l’achalasie peut être difficile devant un tableau clinique atypique. Il peut être en effet difficile de distinguer les symptômes de l’achalasie de ceux du reflux gastro-œsophagien. Un score clinique, le score d’Eckardt (cf. Tableau 1) a été élaboré afin d’apprécier la sévérité des symptômes principaux (dysphagie, régurgitations, douleurs et perte de poids) et leur évolution chez le patient. Chacune des quatre variables du score est notée de 0 à 3, soit un total possible de 0 à 12 ; 12 représentant une gêne maximale, avec une dysphagie, des régurgitations et douleurs rétrosternales à chaque repas, et une perte de poids de plus de 10 kg.
Tableau 1 : Détail du score d’Eckardt, basé sur l’évaluation des 4 principaux symptômes de l’achalasie (d’après Eckardt et al. 1992).
Score | Dysphagie | Régurgitations | Douleurs rétrosternales | Perte de poids |
0 | Aucune | Aucune | Aucune | Aucune |
1 | Occasionnelle | Occasionnelles | Occasionnelles | < 5 kg |
2 | Quotidienne | Quotidiennes | Quotidiennes | 5 à 10 kg |
3 | A chaque repas | A chaque repas | A chaque repas | > 10 kg |
L’endoscopie digestive haute est souvent l’examen de première intention en cas de suspicion d’achalasie, son rôle principal est d’exclure un diagnostic différentiel tel qu’une œsophagite à éosinophiles ou une obstruction mécanique. La sensibilité de l’endoscopie est faible pour les stades précoces, mais elle augmente avec l’évolution de la maladie.
Le transit œso-gastro-duodénal (TOGD) n’est pas indispensable dans la prise en charge diagnostique de l’achalasie, mais est régulièrement réalisé dans le bilan initial. Le principe du TOGD est de suivre le passage œsophagien d’un bolus de produit de contraste ingéré par voie orale, souvent à base de baryum.
La manométrie œsophagienne est un examen clé du diagnostic de l’achalasie. Elle s’impose devant toute dysphagie dès que l’endoscopie a éliminé l’hypothèse de l’obstacle organique. Elle permet de rechercher précocement l’affection sur l’association de deux critères majeurs : l’absence de péristaltisme œsophagien et la relaxation incomplète du sphincter inférieur de l’œsophage lors du passage des aliments. La manométrie à haute résolution (MHR) a permis de classifier l’achalasie selon différents types (classification de Chicago) :
- type I : achalasie classique avec absence de contraction après toutes les déglutitions et absence de pressurisation dans l’œsophage ;
- type II : absence de contraction après toutes les déglutitions et pressurisation pan-œsophagienne dans 20 % ou plus des déglutitions. Cela signifie que la pressurisation se fait sur toute la longueur du tissu œsophagien, en même temps ;
- type III : dans ce cas, 20 % ou plus des déglutitions sont suivies de contractions prématurées de l’œsophage, sans être synchronisées (comme c’est le cas en type II).
Traitement de l’achalasie
La figure 1 représente l’évolution des manifestations œsophagiennes au cours de la maladie.

A ce jour, aucun traitement ne permet de corriger les altérations physiopathologiques responsables de l’achalasie. L’objectif thérapeutique est de diminuer la pression au niveau du SIO et d’améliorer le passage du contenu œsophagien vers l’estomac par un effet de gravité, ceci afin de diminuer les symptômes de la maladie, retrouver une qualité de vie normale et un état nutritionnel satisfaisant et prévenir les complications.
Les différents traitements possibles sont :
- le traitement pharmacologique : les traitements relaxants du muscle lisse comme les antagonistes du calcium et les dérivés nitrés sont les traitements médicamenteux les plus souvent utilisés.
- L’injection de toxine botulique : elle est efficace uniquement à moyen terme (le taux de réponse passe de 90 % à 1 mois à 30-50 % à 1 an). Des injections répétées sont donc nécessaires pour obtenir un résultat qui se maintienne à long terme.
- La dilatation pneumatique : Elle permet de réduire la pression du sphincter inférieur de l’œsophage. La technique n’est pas bien standardisée, mais il est admis que les dilatations doivent être réalisées en augmentant progressivement le diamètre des ballonnets (jusqu’à 35 ou 40 mm) en cas de persistance des symptômes.
- La myotomie chirurgicale consiste à sectionner les fibres musculaires du SIO par chirurgie. Les taux de succès de cette intervention sont de l’ordre de 90 %, mais ils chutent à 50-60 % à long terme.
- La myotomie endoscopique per-orale (POEM) a connu un essor considérable au cours des dix à quinze dernières années. Elle est en train de devenir le traitement de choix de l’achalasie et est utilisée en cas d’échec d’un premier traitement.
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